Spartacus, blood and sand

de Steven DeKnight et Sam Raimi, 2010-?, ***

L’histoire de la troi­sième guerre ser­vile, on la connaît tous dans les grandes lignes : en ‑73, un groupe de gla­dia­teurs mené par Spartacus, Crixus et Oenomaus se lève contre les Romains.  Il forme une armée d’a­ma­teurs qui compte rapi­de­ment plu­sieurs mil­liers d’hommes — ex-esclaves ou non — et vit de pillages, vain­quant plus ou moins régu­liè­re­ment les sol­dats romains jus­qu’en ‑71, où des troupes aguer­ries diri­gées par Crassus et Pompée dégomment peu à peu les insurgés.

Cette petite anec­dote his­to­rique, qui est sur­tout remar­quable parce qu’elle a pro­pul­sé vers le pou­voir les deux géné­raux qui for­mèrent avec César le pre­mier trium­vi­rat (« Attends un peu, je vais le faire seul, le trium­vi­rat », comme le savent tous les lec­teurs d’Astérix), serait tota­le­ment oubliée si elle n’a­vait valu à Stan ses quatre pre­miers oscars. Mais voi­là : Spartacus est deve­nu une icône de la résis­tance. Et des films, c’est pas assez, faut une série.

Voici donc Spartacus, blood and sand (pas encore dis­tri­buée en France), dont la pre­mière sai­son s’in­té­resse à la nais­sance de Spartacus : chef de l’ar­mée thrace, tra­hi par les diri­geants de l’ar­mée romaine, il se retrouve gla­dia­teur chez Batiatus, où il apprend par la force à fer­mer sa grande gueule, à ran­ger son orgueil et à ron­ger son frein. Bien sûr, Crixus est son enne­mi mor­tel, parce que c’est super ori­gi­nal comme concept de pré­sen­ter comme enne­mis deux per­son­nages dont on sait déjà tous qu’ils vont finir alliés si jamais on a ouvert un livre d’Histoire ou même vu un film de Kubrick.

Sur le plan scé­na­ris­tique, c’est assez bateau, avec des rebon­dis­se­ments bien ryth­més mais sans sur­prise. Sur le plan esthé­tique, ça res­semble beau­coup à la bande-annonce de 300 (ceux qui l’ont vu disent que ça res­semble aus­si au film) : satu­ra­tion dans les tons chauds, contraste éle­vé et sang qui gicle avec abon­dance dans tous les sens. Sur le plan his­to­rique, c’est pas par­fait mais glo­ba­le­ment ça pré­fère jouer sur ce qu’on ne sait pas de l’his­toire de Spartacus, plu­tôt que d’en­trer en conflit direct avec Appien et Plutarque : bon point donc.

Sur le plan humain, il convient de noter que Spartacus est un sale con, égo­cen­trique et égoïste, pour qui une ven­geance per­son­nelle jus­ti­fie de mettre bête­ment en dan­ger la vie de l’en­semble des esclaves de la mai­son en fon­çant tête bais­sée au lieu de prendre ne serait-ce que deux minutes pour réflé­chir. Imbu de lui-même, arro­gant, on a rapi­de­ment très envie que Crixus le découpe en mor­ceaux (et meure de ses bles­sures aus­si, parce que le Gaulois aus­si est un sale con arro­gant). Les Romains sont évi­dem­ment des ordures qui passent leur temps à com­plo­ter entre eux, et le seul per­son­nage sym­pa­thique se sui­cide au milieu.

Bref, jusque là, la série est par­fois invo­lon­tai­re­ment drôle, tou­jours active, et on s’a­muse à suivre les évé­ne­ments et à voir com­ment les intrigues se retournent ou non contre leurs auteurs, mais les per­son­nages, fon­da­men­ta­le­ment, ils peuvent tous cre­ver (ça tombe bien : ils sont nom­breux à le faire). Ça rap­pelle ce que j’ai enten­du dire de Dallas, mais avec plein d’action.

Reste un aspect hau­te­ment ori­gi­nal : c’est peut-être la pre­mière série télé cal­cu­lée pour satis­faire les bas ins­tincts de tous les mâles, hété­ro comme homo­sexuels. Les pre­miers pro­fitent d’un lot de femmes dénu­dées et de scènes de plu­mard, les seconds de quelques scènes de plu­mard et de toute une mise en images du corps mas­cu­lin, très, très gay. On avait déjà un phé­no­mène du genre dans Top gun (les hété­ros ont rete­nu la scène des grillades sur le ventre de Kelly McGillis¹, les homos ont savou­ré les pas­sages dans le ves­tiaire), mais là c’est beau­coup plus pous­sé et systématisé.

Bref, la série est assez conve­nue mais plu­tôt regar­dable, mais on a le sen­ti­ment que ses auteurs ont plus misé sur le spec­ta­cu­laire et le cul que sur le scé­na­rio, qui offrait pour­tant pas mal de matière…

¹ Euh, par­don, les grillades, c’est dans Hot shots. Dans Top gun, c’est juste chaud. ^^