Scrubs
|de Bill Lawrence, depuis 2001, ****
Attention, première critique d’une série télé. Ça a valu une réorganisation des rubriques, « Cinéma » devenant « Cinéma et télé » et les noms des sous-rubriques (« films **** », « films O » etc…) étant remplacés par des intitulés plus évocateurs — me suis un peu creusé la tête pour que ça tombe dans l’ordre alphabétique, histoire que ça s’affiche dans un ordre logique dans la liste ci-contre.
Scrubs, donc. Une série loufoque, comédie américaine, apparue en 2001 et toujours produite à l’heure actuelle. Des épisodes de vingt-deux minutes, c’est donc court et nerveux.
Comment la définir ? Je sais pas. Imaginez que Malcolm grandisse et débarques aux Urgences, et vous pourrez avoir une idée du truc. Le point de départ, c’est l’arrivée de John « JD » Dorian, Eliott Reid et Christopher Turk, tout frais internes en médecine et chirurgie, à l’hôpital du Sacré-Cœur. Celui-ci est tenu par le docteur Kelso, vieillard sadique, misogyne et caractériel, tandis que les internes sont supervisés par Perry Cox, autoritaire, misanthrope et atteint de logorrhée méprisante.
JD est narrateur de l’histoire, ce qui n’est pas sans rappeler les apartés de Malcolm, avec tout de même une petite différence : ici, JD ne s’adresse pas au spectateur, mais à lui-même, et la vie continue pendant ce temps. En fait, il a une tendance quasiment pathologique à se déconnecter du monde réel pour écouter sa petite voie intérieure scénariser sa vie, au point que les autres personnages finissent par en faire un sujet de conversation (« arrête un peu de te parler : faut que je te parle »).
Turk, son meilleur ami et colocataire noir depuis le lycée, rencontre rapidement Carla, infirmière latine au tempérament latin — caractérielle et autoritaire, quoi. Dernier personnage présent systématiquement : le type sans nom, concierge de son état, taxidermiste d’écureuils à ses moments perdus, frustré et misanthrope en permanence, qui découvre rapidement en JD sa tête de turc favorite. Passe également Jordan, ex-femme de Cox, nymphomane, misandre et, devinez quoi ? Caractérielle, bravo le type au fond.
Il va donc s’agir pour nos trois internes de survivre à un univers hostile, tout en cherchant à satisfaire leur libido et à devenir de respectables docteurs.
Okay, c’est loufoque, nul et exagéré. Enfin, j’espère. Mais curieusement, c’est une petite série très accrocheuse. Peut-être parce qu’elle alterne, y compris dans la réalisation et la direction d’acteurs, le pire et le meilleur : loufoqueries parodiques sont volontairement archi-surjouées (sauf le bref passage de Brendan Fraser, même pas capable de surjouer quand il le faut) avec des effets terriblement appuyés ; mais dans le même temps, certaines séquences vraiment sérieuses et réellement émouvantes reviennent à une sobriété de bon aloi.
Peut-être aussi, justement, par cette alternance de passages dramatiques interrogeant sur le sens de la vie, de l’univers et de tout ce qui existe, comme celui où un personnage doit gérer d’avoir tué trois patients en une journée ou la longue valse-hésitation qui précède le mariage, et du pur gag sans aucune autre intention que de faire rire, comme le concierge installant une baignoire sur le toit ou le passage de Michael Fox en génie gentil mais bourré de TOC. Là, je comparerais au Prince de Bel-Air, série qui abordait régulièrement et non sans finesse des thèmes comme le racisme ou la société de consommation.
Peut-être enfin par la musique comme thème, pas systématiquement imposée comme dans un Star wars, mais manifestement appréciée par les auteurs : s’ils ont l’occasion de nous passer un petit clin d’œil à Simon&Garfunkel ou Cat Stevens, ils ne s’en privent pas — un certain nombre de zicos font d’ailleurs des apparitions, tandis que certains acteurs sortent de comédies musicales.
Scrubs ne se contente donc pas de distraire et de faire marrer, mais égratigne au passage les sociétés bien-pensantes, prenant les convenances à contre-pied, et peut parfois faire réfléchir.
Ainsi, à ceux qui se demanderaient pourquoi j’ai une case en moins : JD explique à un moment que ses parents attendaient une fille et l’avaient appelé Joanna jusqu’à ses trois ans. Mes parents à moi n’ont de leur côté envisagé de me donner un prénom masculin qu’au soir de ma naissance, après m’avoir appelé Anaïs pendant sept ou huit mois…
Ceci étant, comme je n’ai vu que les cinq premières saisons, je ne peux pas juger de l’ensemble de la série. La saison 5 se termine sur une pirouette assez terrifiante (un « cliffhanger », on appelle ça quand on est féru de télé et anglophone pratiquant) qui peut présager toute sorte de bouleversements à venir. Argh. Faut que je trouve la saison 6.