Les chevaliers du ciel

de Gérard Pirès, 2005, O/****

Je viens de revoir cette pré­ten­due adap­ta­tion des bandes des­si­nées Les aven­tures de Michel Tanguy (deve­nues par la suite Les aven­tures de Tanguy et Laverdure).

Et j’ai tou­jours cette impres­sion bizarre, mais cette fois, je sais pourquoi.

En fait, il y a deux films dans ces Chevaliers du ciel. Il y a un film d’a­via­tion, et un film d’action/d’espionnage/de poli­tique-fic­tion, qui se relaient en alter­nant remarquablement.

Commençons par le bon coté des choses : le film de navions.

Gérard Pirès, pour ceux qui l’au­raient oublié, est le réa­li­sa­teur du pre­mier Taxi (scé­na­ri­sé par Luc Besson). On sait donc qu’il est par­fai­te­ment capable de mener un film tam­bour bat­tant, de réa­li­ser éner­gi­que­ment et de mon­ter effi­ca­ce­ment. On sait moins, mais là, ça vous saute à la gueule, que c’est un pas­sion­né de machins qui volent.

Pirès a donc déci­dé de se faire plai­sir. Il filme des avions, des pay­sages, et place des pilotes dans des situa­tions où ils se réga­le­ront. On ne s’é­ton­ne­ra donc pas de rugir de bon­heur lors d’un vol en Alpha-Jet au-des­sus des Alpes, ou de le voir jouer avec les reflets d’une post-com­bus­tion de Mirage 2000, ou encore de fil­mer un Falcon à contre-jour d’un cou­cher de soleil, qui filtre à tra­vers les hublots de l’ap­pa­reil… Il a su cap­tu­rer l’es­sence du vol, le truc qui fait que les pilotes essaie­ront tou­jours de voler, le truc que les gens qui ne rêvent pas de voler ne peuvent sans doute même pas com­prendre — je sais pas, j’au­rais du mal à me mettre à leur place.

Au pas­sage, il en pro­fite — ou Eric Magnan, son chef op” pour les prises de vues aériennes, en pro­fite — pour faire des pho­tos sublimes, his­toire de bien enfon­cer le clou : voler, c’est génial et c’est beau.

Et fran­che­ment, à ce niveau, Top gun se prend d’un seul coup vingt ans dans la tronche et paraît aus­si moderne que le Hell’s angels d’Howard Hughes.

Passons au second film, le film d’ac­tion djeuns avec un vrai com­plot et des traîtres et de l’ac­tion qui démé­nage. Là, il faut bien le dire, Pirès fait son bou­lot de réa­li­sa­teur : on ne s’en­nuie pas, ça bouge, c’est ryth­mé, tout ça. Taxi. Tout pareil.

Le pro­blème, c’est qu’au­tant une réa­li­sa­tion magni­fique suf­fit à rendre magni­fi­que­ment un vol magni­fique, autant pour faire un film, même d’ac­tion, il faut un scé­na­rio. Et là, ça se com­plique — ou ça se sim­pli­fie trop, à vous de voir. C’est pas tout à fait sub­til ; en fait, c’est plu­tôt lour­dingue, et je ne parle pas des dia­logues. Si, pour séduire les filles, il faut être aus­si bas de pla­fond que Vallois (inter­pré­té par Cornillac), tant pis, je laisse tom­ber : j’y arri­ve­rai pas. Caricatural, gros­sier au-delà de la simple vul­ga­ri­té, il n’a abso­lu­ment rien du charme désuet de Laverdure, qui était plus mal­adroit que méchant.

Les autres per­son­nages ne valent guère mieux : il y a bien Marchelli et Coste qui semblent un temps rele­ver le niveau, mais leur façon très par­ti­cu­lière d’en­ter­rer la hache de guerre, qui n’est pas sans rap­pe­ler les bono­bos, ruine défi­ni­ti­ve­ment la cré­di­bi­li­té du couple. Sinon, il y a l’Américaine qui n’est là que pour mon­trer son cul sur un Corsair, l’au­tiste qui passe sa vie à écou­ter de la musique, et des méchants très méchants.

On est donc au niveau zéro du film d’ac­tion, aux côtés de chefs-d’œuvres comme Fast and furious ou Anaconda.

Et puis, pour le bonus, il convient d’é­vo­quer un troi­sième film, qui se super­pose aux deux autres : le spot de pub. Je ne parle pas de la pub sup­po­sée pour l’Armée de l’Air (si je résume, c’est un endroit où l’on sélec­tionne les meilleurs par­mi les meilleurs, puis où on truque les preuves pour pou­voir les saquer parce qu’ils ont effec­ti­ve­ment été les meilleurs pour sau­ver leurs frères d’armes : si ça donne envie de deve­nir pilote mili­taire, je com­prends plus rien), non, je parle de la vraie pub.

Donc, autant le savoir : l’in­for­ma­tique a été four­nie par Apple (on a au pas­sage inven­té un concept qui devrait avoir de l’a­ve­nir : le type qui a le nom d’un pro­duit), les véhi­cules ter­restres par VAG (Volkswagen-Audi-Porsche-Seat-Skoda-Bentley-Lamborghini-Bugatti, bande d’i­gnares), les véhi­cules aériens par Dassault (le seul avion « moderne » qui vienne d’ailleurs, un Pilatus Turbo-Porter, est pré­sen­té comme un ascen­seur ridicule).

Et l’en­semble du film est un gros spot publi­ci­taire mul­ti­marques. On me dira qu’il n’est pas évident d’a­che­ter Dassault et qu’un film pré­sen­tant l’Armée de l’Air ne pou­vait pas pas­ser à coté ; certes. Mais était-il néces­saire de pré­sen­ter toute la gamme, et aucun concur­rent ? On évoque à plu­sieurs reprises, notam­ment, le F‑16, mais on n’en voit pas le nez d’un une seule seconde.

Donc voi­là, un film bizarre, avec des pas­sages archi-nuls, mais dont cer­taines minutes ravi­ront les rêveurs et les pilotes au-delà de l’i­ma­gi­nable. En fait, l’im­pres­sion qu’il me laisse, c’est que Pirès a fait ce qu’il a pu, en pas­sion­né d’a­via­tion, pour faire un film d’a­vions, avec un cahier des charges qui impo­sait une cer­taine nul­li­té générale.