Daredevil
|de Drew Goddard, depuis 2015, ***
Un duo d’avocats, un banal et rondouillard, l’autre beau gosse et aveugle. Bien entendu, c’est l’aveugle qui a des super-pouvoirs — il entend un battement de cœur à vingt mètres, par exemple. Du coup, il met un jogging, un masque et il combat le crime.
Rien à signaler ? Pas tout à fait. La série a deux qualités de base : d’abord, elle joue beaucoup sur les sens, avec bien sûr un mixage son très soigné pour faire ressortir exactement le bruit dont on a besoin pour comprendre les réactions du personnage, mais aussi quelques astuces de mise en scène pour faire voir les odeurs, les goûts, les sensations ; ensuite, elle a un côté social très marqué, opposant d’entrée ceux qui s’enrichissent sur la spéculation et les petites gens écrasés par leurs loyers, leurs charges et leurs crédits — Nelson & Murdock, le cabinet que tiennent les héros, représente beaucoup les pauvres du quartier.

Mais la série a également un défaut : des ruptures de rythmes régulières. En fait, comme pour Luke Cage (série sœur qui se déroule à quelques pâtés de maisons de là), un script qui aurait été nerveux sur huit épisodes a été étiré sur treize. C’est particulièrement le cas au milieu des deux saisons, entre la mise en place et le moment où la série se relance pour la seconde partie.
Heureusement, les fins de saisons sont plus soignées, en particulier pour la seconde. Le contraste entre le Punisher, qui tue parce que c’est utile sans y accorder une arrière-pensée, Daredevil, qui refuse de tuer et préfère voir des criminels continuer leurs activités, et Elektra, qui accepte de ne pas tuer pour faire plaisir à son copain mais qui au fond adore ça, donne une dimension intéressante à leurs activités partagées, séparées ou concurrentes.

Au passage, comme dans d’autres séries Marvel, les seconds rôles sont souvent plus intéressants que la tête d’affiche : après Shades dans Luke Cage, c’est au tour d’Elektra de relever la fin de saison avec ses dilemmes — femme forte et libre, manipulatrice à ses heures, elle est finalement étrangement attachée à Daredevil au point d’accepter de suivre ses règles contre-nature.
Le résultat est meilleur que Luke Cage et si la saison 3 devait être du niveau de la fin de la saison 2, la série pourrait prétendre à une note supérieure. En l’état, ce sont surtout les mi-saisons un peu molles qui la font rentrer dans le rang.