Daredevil

de Drew Goddard, depuis 2015, ***

Un duo d’a­vo­cats, un banal et ron­douillard, l’autre beau gosse et aveugle. Bien enten­du, c’est l’a­veugle qui a des super-pou­voirs — il entend un bat­te­ment de cœur à vingt mètres, par exemple. Du coup, il met un jog­ging, un masque et il com­bat le crime.

Rien à signa­ler ? Pas tout à fait. La série a deux qua­li­tés de base : d’a­bord, elle joue beau­coup sur les sens, avec bien sûr un mixage son très soi­gné pour faire res­sor­tir exac­te­ment le bruit dont on a besoin pour com­prendre les réac­tions du per­son­nage, mais aus­si quelques astuces de mise en scène pour faire voir les odeurs, les goûts, les sen­sa­tions ; ensuite, elle a un côté social très mar­qué, oppo­sant d’en­trée ceux qui s’en­ri­chissent sur la spé­cu­la­tion et les petites gens écra­sés par leurs loyers, leurs charges et leurs cré­dits — Nelson & Murdock, le cabi­net que tiennent les héros, repré­sente beau­coup les pauvres du quartier.

Je tue pas, je suis un gen­til. Mais je vais quand même te faire très très mal. — pho­to Barry Wetcher pour Netflix

Mais la série a éga­le­ment un défaut : des rup­tures de rythmes régu­lières. En fait, comme pour Luke Cage (série sœur qui se déroule à quelques pâtés de mai­sons de là), un script qui aurait été ner­veux sur huit épi­sodes a été éti­ré sur treize. C’est par­ti­cu­liè­re­ment le cas au milieu des deux sai­sons, entre la mise en place et le moment où la série se relance pour la seconde partie.

Heureusement, les fins de sai­sons sont plus soi­gnées, en par­ti­cu­lier pour la seconde. Le contraste entre le Punisher, qui tue parce que c’est utile sans y accor­der une arrière-pen­sée, Daredevil, qui refuse de tuer et pré­fère voir des cri­mi­nels conti­nuer leurs acti­vi­tés, et Elektra, qui accepte de ne pas tuer pour faire plai­sir à son copain mais qui au fond adore ça, donne une dimen­sion inté­res­sante à leurs acti­vi­tés par­ta­gées, sépa­rées ou concurrentes.

Moi je tue, c’est plus fun, na na na ! — pho­to Patrick Harbron pour Netflix

Au pas­sage, comme dans d’autres séries Marvel, les seconds rôles sont sou­vent plus inté­res­sants que la tête d’af­fiche : après Shades dans Luke Cage, c’est au tour d’Elektra de rele­ver la fin de sai­son avec ses dilemmes — femme forte et libre, mani­pu­la­trice à ses heures, elle est fina­le­ment étran­ge­ment atta­chée à Daredevil au point d’ac­cep­ter de suivre ses règles contre-nature.

Le résul­tat est meilleur que Luke Cage et si la sai­son 3 devait être du niveau de la fin de la sai­son 2, la série pour­rait pré­tendre à une note supé­rieure. En l’é­tat, ce sont sur­tout les mi-sai­sons un peu molles qui la font ren­trer dans le rang.