Les sept mercenaires
|d’Antoine Fuqua, 2016, ****
C’est l’histoire d’Emma Cullen. Comme son nom l’indique, elle est irlando-américaine, et vous connaissez la douceur du caractère irlandais : quand le chef des mines locales bute son mari, elle porte le deuil environ vingt-trois minutes, puis elle réunit tout ce qu’il lui reste et se met en quête de tueurs à gages. Au fil des accidents, elle finit par en regrouper toute une équipe, de l’aventurier cherchant des sensations fortes au tireur d’élite confédéré en quête de rédemption, en passant par le trappeur justicier et le fils d’esclave toujours prêt à brutaliser un tyran.
Bien sûr, ça peut vous rappeler Les sept mercenaires, celui de Sturges, c’est fait exprès. Mais plus que de défense, c’est profondément une histoire de vengeance, dans la lignée des Impitoyable et True grit, et les thématiques invitées lorgnent ouvertement du côté du cinéma tarantinesque — voir ça moins d’un an après Les huit salopards rend le parallèle encore plus inévitable. En conséquence, ça pioche tout aussi évidemment du côté du spaghetti : Fuqua s’est énormément inspiré de Leone, avec ses plans larges, ses paysages grandioses, son abandon du plan américain au profit de travellings ceinture-visage en gros plan, son rythme lent parfaitement calé, ses dialogues pleins de violence sèche et naturelle, son absence absolue de « gentil » et son côté désabusé sur l’humanité… Le spectre de Il était une fois dans l’Ouest plane sur l’ensemble du film — et entre nous, il y a pire comme insulte !
On peut regretter un casting un peu propret : chaque acteur est tranquillement installé dans un rôle qu’il maîtrise (un des grands coups de génie du chef-d’œuvre leonien avait été de prendre Fonda à contre-emploi) et si le film est poussiéreux et aride comme les vrais, la plupart des personnages manquent un peu de crasse pour être tout à fait crédibles. Seul Washington, dont le personnage se flatte d’élégance, et Hawke, plus ouvertement ambigu, font un peu mieux couleur locale.
En revanche, le soin apporté au reste est remarquable : Wenk et Pizzolatto ont fourni un scénario globalement respectueux de l’original, mais suffisamment modifié et adapté au monde moderne, Fiore a fait une photo magnifique dans la lignée de ses maîtres, et Fuqua a conservé son sens de l’action en assurant des affrontements fluides, virevoltants mais lisibles, notamment dans un finale long sans être languissant.
Le tout joue avec les codes du western révisé et offre une fusion plutôt réussie entre bon film d’action moderne et bon spaghetti traditionnel, sur une trame certes déjà vue mais toujours efficace.