Firefly
|de Joss Whedon, 2002, ****
En 1865, la défaite des troupes de Lee met fin à la Guerre de sécession. La plupart des Américains retournent à leurs activités, mais quelques bandes de soldats, notamment confédérés, peinent à trouver une place après quatre ans de combats acharnés et se recyclent dans des activités plus ou moins licites : sécurité et protection des colons, mais aussi racket, contrebande, voire enlèvements et assassinats, le tout fournissant la matière à un certain nombre de westerns.
Joss Whedon a dû en voir un peu trop quand il était petit. Mais, étant né dans les années 60, il a aussi dû se prendre comme une baffe les Star wars et autres Alien. Il a donc créé son propre space-opera, en réinjectant dedans des gros morceaux de western et en reprenant la trame des anciens soldats laissés pour compte par la civilisation et réfugiés sur la « frontière ».
La série reprend tous les fondamentaux du western : combats au six-coups, vestes ramasse-poussière, putes et accompagnatrices (celles-ci étant au contraire de celles-là officiellement enregistrées auprès d’une guilde), bagarres de bistrots… Elle pioche aussi du côté du film de pirates, avec un capitaine et son équipage, des cargaisons louches, des arraisonnements hauturiers, des passagers clandestins et même la planche pour traiter les mutins. Et bien entendu, le cœur de SF est bien présent, avec une autorité centrale et des planètes plus lointaines, des pistolets laser, des invasions de vaisseaux spatiaux, de l’apesanteur de temps à autres et le classique coup de l’oxygène qui va manquer.
Ce mélange bordélique est donc un pur fantasme, mais cela ne l’empêche pas de se payer le luxe d’être plus réaliste sur certains détails que bien des films sérieux : par exemple, une explosion dans le vide ne produit aucun bruit, ce qui est fort reposant pour les pinailleurs dans mon genre.
Plus que sur quoi que ce soit d’autre, la série repose tout de même sur ses personnages, tous clichés d’inadaptés sociaux à un titre ou à un autre — capitaine cabochard, courtisane délicate, pilote clownesque, bras droit farouche et mortelle, gros bras bas de plafond, mécanicienne timide, docteur en cavale, femme-mystère façon Cinquième élément et même curé louche. Le reste reprend la trame classique des aventuriers en conflit avec l’autorité qui vont d’épisode en épisode en aidant leur prochain (parfois) ou en volant des plus méchants (souvent).
Présenté comme cela, il ne faut pas s’étonner que Firefly ait eu du mal à trouver son public : clins d’œil à l’Histoire, délires SF, humour à hauteur variable et western-spaghetti forment un mélange aussi naturel qu’un plat de chevreuil sauce au miel accompagné de Fisherman’s friend à la guimauve. Il ne faut pas s’étonner non plus du petit « culte » qui a suivi assidûment ses quatorze épisodes : cette recette improbable est, pour les quelques esprits dérangés susceptibles de réellement la goûter, la saveur qu’on attendait depuis longtemps sans vraiment le savoir, et dont on ne peut être repu qu’après une très grosse orgie alimentaire.
Au delà de ses qualités réelles (narration soignée, montage efficace, références multiples et dosage humour-drame équilibré), voilà donc une série qui m’a plu avant tout parce qu’elle correspond à mes bizarreries gustatives à moi. Je ne sais pas si je devrais la conseiller à quelqu’un d’autre, mais pour ma part, je me suis régalé.