The creator
|de Gareth Edwards, 2023, *
C’est la guerre. La grosse, la vraie. Les humains d’un côté, les intelligences artificielles de l’autre, chacun essayant d’éradiquer l’autre. Et le renseignement dit que là-bas, en Asie, où les IA dominent, il y aurait une arme nouvelle capable de renverser la guerre. Du coup, Ducon, qui avait été infiltré sur place il y a quelques années, est envoyé identifier et détruire ladite arme. Laquelle n’est autre que Courgette, une androïde de six ans qui ressemble à celle que Ducon aurait pu avoir avec une autochtone si celle-ci n’avait été tuée par une frappe américaine.

Il y a des films qui marquent, d’autres qui disparaissent sans laisser de trace. C’est clairement le cas de The creator, premier scénario de Gareth Edwards depuis le très bon Monsters. Mais une décennie a passé, Edwards a pris l’habitude de jouer avec des trucs qui coûtent cher et de faire de la SF spectaculaire et grand public, il a vu les films de Neill Blomkamp, et il n’a pas écrit une ligne lui-même depuis des lustres.
Et ça se voit.

En fait, The creator est l’exact contraire de Monsters. Celui-ci, réalisé avec les moyens du bord, mettait en scène deux anti-héros qui tentaient juste de franchir les obstacles pour rentrer à la maison. Visuellement sobre, il misait totalement sur l’ambiance pour fonctionner, avec un scénario simple et sans prétention qui ne montrait quasiment jamais les antagonistes. Celui-là, à l’inverse, a eu du budget pour chercher les plus beaux paysages et y ajouter des effets spéciaux. Il met en scène un héros fort à l’américaine qui part à l’autre bout de la planète pour sauver le monde. Très joli et spectaculaire, il regorge de scènes d’affrontements directs dans une ambiance de bourrinage basique, tout en prétendant poser plein de questions sur la nature de l’intelligence et de la conscience.
Et surtout, le scénario est un bordel innommable. C’est bourré de clichés sur le soldat qui rentre traumatisé mais qui accepte une dernière mission pour sauver le monde, les proches morts mais en fait non, les alliés qui se sacrifient pour le héros, tout ça. Les scènes d’action s’enchaînent sans logique, un coup dans les champs de riz, un coup en ville, en coup en souterrain, en fonction de là où l’office du tourisme a emmené l’équipe de tournage.

Et la réflexion sur l’intelligence artificielle, direz-vous ?
Bah rien.
Vous avez un affrontement entre gentils et méchants, qui marcherait exactement pareil si c’étaient, je sais pas moi, l’armée américaine et une guérilla marxiste vietnamienne. Courgette joue le rôle de Kim Phúc, vous savez, l’enfant sauvée de justesse de l’armée qui va faire vaciller les consciences américaines. L’argument de « c’est une IA, vous voyez on se demande si elles ont une conscience, c’est profond, tout ça » ne tient que si vous faites partie de ceux qui trouvaient osé de se demander si les Amérindiens avaient une âme : on est juste dans le schéma « l’ennemi est-il digne d’humanité ? » ressassé depuis L’Iliade, avec pour seule originalité le trou entre les oreilles des ennemis.
Du coup, un mois après l’avoir vu, il reste quelques jolies images, une sensation de déjà-vu, des bribes éparses de scénario, et surtout beaucoup de rien. Il y a de bons films sur l’IA, il y a de bons films de guerre, il y a même de bons films sur la reconnexion avec un enfant perdu, mais The creator n’est aucun de ceux-là.