La nuit du 12
|de Dominik Moll, 2022, ****
La nuit du 12 octobre, Clara est brûlée vive, à côté de chez elle, en passant près d’un terrain de jeux au pied d’une barre d’immeubles de Saint-Jean-de-Maurienne. Qui est le tueur ? Est-ce ce petit ami dont elle était folle, qui parle d’elle comme d’un vague plan cul un peu collant ? Ce sex friend un peu immature ? Ce clodo qui semble avoir fait une fixation sur elle ? Ce bad boy qu’elle voyait de temps en temps et qui a été condamné pour violences ? Un ex jaloux ? Une copine jalouse ?…
Pour Yohan et Marceau, jeune chef de groupe et vieil inspecteur de la PJ de Grenoble envoyés relever la gendarmerie de Saint-Jean, tous auraient pu le faire. Tous auraient eu un mobile, plus ou moins évident, et tous auraient eu l’occasion. Mais rien ne permet d’inculper qui que ce soit. De fil en aiguille, d’indice en détail, de voie sans issue en cul-de-sac, ils mènent l’enquête en cherchant toujours l’autre suspect, celui qu’ils n’ont pas encore trouvé et qui pourrait mieux coller au tableau. Et comme si ça n’était pas assez compliqué, il faut gérer les frustrations administratives, les tensions personnelles, les problèmes familiaux, la fatigue des allers-retours et des nuits à relire les témoignages…
La nuit du 12 n’est pas un polar classique. C’est une plongée quasi-documentaire dans un groupe de police judiciaire, avec ses bonshommes entassés dans des bureaux trop petits qui font ce qu’ils peuvent pour avancer, entre conscience professionnelle et désabusement. « La lutte du bien et du mal, avec une photocopieuse qui marche pas. » C’est aussi une réflexion constante et discrète sur les rapports entre hommes et femmes, au sein de la seule espèce de primates où les mâles tuent régulièrement les femelles, et où ce sont presque exclusivement d’autres mâles qui sont chargés de les arrêter.
C’est aride, tranchant, opposant systématiquement la dureté implacable du propos et le paisible des paysages montagnards. L’ambiance rappelle un peu des polars noirs français classiques comme Dernier domicile connu, avec une exploration méthodique de chaque piste et un espoir toujours plus ténu de trouver la bonne — et ce doute lancinant, jamais exprimé mais qui imprègne tout le film : même si on trouve, finalement, est-ce que ça changera vraiment les choses ?
On peut pas dire que ça donne foi en l’humanité, mais c’est foutrement bien fait, prenant, avec juste ce qu’il faut d’humour triste et de distance intimiste pour mener le spectateur aux côtés des personnages sans en faire des héros irréprochables. Hautement recommandé — sauf si vous cherchez plutôt une distraction enjouée pour bien dormir ce soir.