Adieu les cons
|d’Albert Dupontel, 2020, ****
Y’a des fois, à la veille d’un confinement, on se demande quel dernier film aller voir avant de quitter l’humanité pour un mois. Et là, il y a une affiche où est écrit en gros : « adieu les cons ». Il y a des symboles comme ça auxquels je ne peux pas résister.
Donc voilà, Adieu les cons. C’est quoi, un film avec un titre pareil ?
C’est l’histoire d’un mec qui en a marre. Engrenage sans importance de l’administration des affaires familiales, il travaille comme un bœuf pour rien, jusqu’au jour où il amène un fusil de chasse au bureau pour se faire péter le caisson.
C’est l’histoire d’une nana qui va crever. Il ne lui reste que quelques mois à vivre, et elle décide de revenir sur le grand regret de sa vie : l’accouchement sous X qu’elle a fait à quinze ans. Elle se heurte évidemment à l’administration des affaires familiales, pour qui le but d’un accouchement sous X, c’est justement que ni la mère ni l’enfant ne puissent retrouver l’autre.
C’est l’histoire de flics qui ont enfin l’affaire de leur vie : un employé des affaires familiales a abattu un collègue avant de fuir en prenant une usagère en otage. Mais pour arrêter celui-là et libérer celle-ci, il va falloir les retrouver, et leur trajectoire n’a rien d’évident : le forcené semble se rendre… aux archives municipales.
Est-ce que c’est subtil ? Oh oui alors. Au moins autant que votre oncle Gérard quand il expose sa vision politique après son sixième verre de riesling au dîner de Noël. Et c’est délicat, aussi, presque comme un coup de boule de Mike Tyson.
Mais c’est pas le but. Le but, c’est de faire rire, vous savez, ce rire qui pique un peu à l’arrière de la bouche, ce rire qui vous fait l’effet d’une crampe, ce rire qui vous donne l’impression d’avoir croqué une prunelle à même l’arbre. Un rire parfois facile, mais toujours féroce, où la tendresse n’apparaît que ponctuellement pour compenser ou annoncer les derniers déchirements.
Au fond, la tonalité est assez proche de God bless America, avec un peu moins de plaisanteries sur les adolescentes et un peu plus sur la fin de vie. On retrouve la même vision noire du monde moderne, la même observation cynique des absurdités sociales, la même fuite en avant drôlatique et désespérée… et le même genre de conclusion douce-amère — non, pardon, je voulais dire, euh… tendrement guerrière, violemment poétique, joyeusement sinistre.
Est-ce que ça vous donnera foi en l’humanité ?
Mouahahahahahaha. C’est du Dupontel, hein. À côté de lui, Ken Loach est un chantre de la joie de vivre néolibérale.
Mais est-ce que ça fera passer un bon moment au cynique moqueur qui occupe votre peau ?
Oh putain, oui.