Black Lightning
|de Mara Brock Akil et Salim Akil, depuis 2018, *
Être un super héros, ça pue du cul. On se fait bastonner tout le temps, faut passer inaperçu le jour et bosser la nuit, tout ça. Et surtout, Madame en a marre de voir Monsieur courir de son bureau du lycée aux bas-fonds de la ville sans s’arrêter pour dîner en famille avec leurs filles. Du coup, Jefferson Pierce a raccroché les gants il y a neuf ans.
Mais voilà que ses adolescentes se font emmerder par un gang. Alors, poussé par son vieux pote agent secret hacker bricoleur, Pierce remet la combinaison moulante et fonce électrocuter les méchants.
Bon, il y a plein de bonnes choses dans Black Lightning. Le point de vue minoritaire par exemple est bien intégré. Sur le papier, on a tous les clichés du genre : les gens bien qui sont toujours inquiets quand un flic leur dit bonjour parce que bon, quand un flic blanc s’adresse à un citoyen noir, ça peut toujours mal finir ; les quartiers pauvres délaissés par les autorités, voire utilisés comme cobayes pour la gestion des populations ; les filles emmerdées parce que c’est des filles et que l’école appartient aux mâles ; et même les intellos parmi les cailleras, vaguement à part dans leur gang, parias chez les parias. Des clichés certes, mais des clichés bien placés, pas trop envahissants, qui font partie de l’environnement et ne versent pas dans la caricature.
On a aussi un très beau vilain, puissant, lettré, un peu snob, et un jeu assez fin sur les différents niveaux de langue d’une scène à l’autre. On a surtout des parcours de vie, des personnages qui font des choix et évoluent, dans l’ensemble assez logiquement, avec des aspirations différentes et des réactions diverses — en particulier, les deux qui se découvrent des super-pouvoirs le vivent de manière diamétralement opposée.
Oui, mais.
Mais. c’est. du. DC.
Après quelques séries et films de la marque, on réalise un truc : son univers classique semble intégralement bâti pour promouvoir une pure morale judéo-chrétienne. À part les Batman de la période Chevalier noir et dans une moindre mesure Lucifer, on retombe toujours dans les mêmes travers.
Du coup, Black Lightning est bourré de « tends l’autre joue », de « donne une seconde chance », de « aime ton prochain », de « honore tes parents » (même quand ton père est un connard qui te néglige, n’est-ce pas Jennifer ?), et de tirades prétentieuses, autosatisfaites et moralisatrices. Et je ne parle pas de la façon dont le principal Pierce gère son lycée, qui ressemble plus à de l’embrigadement sectaire (avec rééducation des déviants à base de mantras répétés en boucle) qu’à de l’éducation scolaire.
Et bien entendu, on a droit à moult plans moyens en légère contre-plongée sur le héros déclamant sa phrase définitive avec grandiloquence, servis par un acteur monolithique qui serait parfait pour un clip de campagne républicain.
Malgré quelques fulgurances, quelques très bons points, quelques scènes particulièrement réussies, et une vraie volonté de montrer une large palette d’itinéraires d’êtres humains, la série est donc profondément prétentieuse et donneuse de leçons, au point que j’ai bouclé la saison 2 pour en finir, avec une nausée avancée.