Creed II
|de Steven Caple Jr., 2018, **
Vous vous souvenez de Creed ? Creed, c’était le premier Rocky officiellement centré sur un autre personnage (certes, au début du cinquième opus, il passait la main en devenant entraîneur, mais c’était pour mieux revenir ensuite). C’était un plagiat du début de Rocky V, justement (j’entraîne un héritier), et de Rocky (un champion en mal de publicité propose à un outsider un match pour la ceinture).
Pour le second Creed, les scénaristes ne se sont pas fait chier : ils ont pioché dans les morceaux de Rocky qu’ils n’avaient pas encore copiés. Adonis étant encore un peu jeune pour se fâcher avec son fils ou être un vieux blasé qui boxe parce qu’il ne sait rien faire d’autre, il n’était guère possible de plagier Rocky Balboa ; Bianca étant sourde et vu que ça se fait pas de mettre des handicapées dans un coma néo-natal, on ne pouvait pas faire un remake de Rocky II ; Mr. T. étant mort et Michael B. Jordan étant noir, il était difficile de reprendre la trame de Rocky III.
Vous voyez où je veux en venir : c’est donc Rocky IV qui sert de base à Creed II.
C’est une bonne nouvelle, parce que du coup, ce deuxième Creed pourrait bien être le second. Ç’a déjà été compliqué pour la franchise de survivre à un Rocky IV alors qu’il était sorti sous Reagan, je vois pas comment on pourrait la sauver d’un deuxième Rocky IV alors que la Guerre froide est finie depuis un quart de siècle1.
Donc, le fils de Drago veut venger son pôpa et récupérer la gloire nationale familiale en démontant l’héritier de Rocky. Comme ils pouvaient pas tuer Adonis (ça aurait un peu limité l’intérêt de la série dérivée), il survit au match où il se fait démolir, ce qui lui permet de jouer successivement le rôle de son père et celui de son mentor. Ça ne suffit pas à ajouter une once d’originalité à ce qui est, d’un bout à l’autre, exactement sur le fil entre l’hommage et le remake — position traditionnellement appelée « plagiat ».
D’ailleurs, les auteurs n’ont pas modifié LE point où ils auraient pu apporter d’un coup un supplément de profondeur. Rappelez-vous : lors du match Apollo-Ivan, Rocky est dans le coin d’Apollo. À la demande de celui-ci, il ne jette pas l’éponge, et Apollo finit au cimetière. Dans ce remake… Ah ben voilà, « dans ce remake », tout est dit.
Ça fait trente ans que Rocky a un vrai, profond et gigantesque regret : ne pas avoir jeté l’éponge quand il a réalisé qu’Apollo était trop blessé pour poursuivre. Imaginez maintenant qu’il ait jeté l’éponge après avoir vu qu’Adonis avait encore laissé des côtes dans l’affaire. Non seulement on serait sorti du remake, mais on aurait pu déclencher une dynamique intéressante, que ça soit du « ta fille a besoin d’un père », du « la ceinture ne vaut pas une vie », du « il faut vivre pour pouvoir re-combattre » ou du « je te dis que je pouvais encore faire un round, putain ! ». Au lieu de ça, c’est un message jusqu’au-boutiste qui est asséné avec un total mépris pour l’entourage des personnages.
Et donc voilà, fondamentalement, c’est tout ce qu’il y a à dire sur Creed II, pur plagiat de Rocky IV empli d’une morale « gagne ou meurs en essayant » extrêmement discutable.
Évidemment, pour être complet, on pourrait dire que les acteurs font globalement leur boulot, sans grande inspiration mais sans grand drame de casting ; que la photographie est correcte, même si franchement j’avais préféré le travail de Kramer Morgenthau sur Cinquante nuances de Grey et surtout celui de Maryse Alberti sur Creed ; que le montage efficace assure une bonne capacité de distraction ; que quelques scènes fonctionnent vraiment pas mal, notamment les messes basses en ASL entre Adonis et Bianca…
Bref, que tout est parfaitement fait pour limiter l’ennui et faire de Creed II un film entraînant et distrayant.
Mais ça ne cache pas que c’est, fondamentalement, un plagiat éhonté, sans doute le moins inspiré de toute la série — et cette série inclut Rocky IV.