Under the Silver Lake
|de David Robert Mitchell, 2018, ***
Il y a des groupes, lorsqu’on écoute leurs disques, on trouve des trucs bizarres. Tiens, un exemple au hasard : les Pixies. Prenez Surfer Rosa. On est tous d’accord : il y a Where is my mind ? et le reste. Et les Penguins alors ? Ils ont fait un morceau notable, à part Earth angel ?
Derrière cela, il y a un terrible secret. Si ces compositions sortent du lot, c’est parce que ceux qui les chantent ne les ont pas écrites. Elles sont le support qui permet aux Illuminatis, aux Francs-Maçons ou aux tueurs de chiens de transmettre des informations ouvertement sans que personne ne le remarque.
Bon, ça, c’est un motif récurrent des polars américains, où les tubes de tout style et de tout temps, écoutés à l’envers, diffusés par un 45 tours tournant à 78 tours, en prenant la troisième lettre de chaque mot ou en transcrivant la deuxième basse comme un message morse, permettent à un héros de découvrir une machination. La première fois où j’ai vu ça, c’était dans un CHiPs vu chez la voisine quand j’avais 7 ou 8 ans, c’est dire comme c’est neuf.
Si celle-ci est importante, ce n’est pas la seule réminiscence ainsi insérée dans Under the Silver Lake. Le film est en fait une énorme accumulation de clichés, musicaux et cinématographiques, commençant avec une reprise de Fenêtre sur cour (le « héros » qui ne sort pas de chez lui et mate ses voisines), avant de plonger dans le grand classique du désœuvré qui cherche une mystérieuse inconnue, pour finir sur les machinations de l’ombre et les sectes apocalyptiques. Il en profite pour se moquer de toutes ces idées reçues en ridiculisant méthodiquement ceux qui les suivent, en commençant par souligner qu’une moufette, ça fait pas un vague petit nuage éphémère avant de devenir ton meilleur ami (dans tes dents, Bambi). Du reste, quelque part, la puanteur et la saleté de l’anti-héros en fait le seul personnage « vrai » d’une ville où tout est trop propre, trop lisse et trop moderne pour être honnête.
Ajoutons à ces clins d’œil innombrables, variés et occasionnellement audacieux une bande-son soignée, une photo parfois superbe (surtout pour montrer un appartement crasseux et puant), des dialogues réussis servis par un casting de premier choix bien dirigé, et on s’approcherait théoriquement d’un chef-d’œuvre. Et, de fait, certaines séquences sont absolument splendides, prenantes, hilarantes, flippantes ou frissonnantes à la perfection.
Mais il y a un petit soucis.
Ce petit soucis, c’est qu’un pot-au-feu, ça n’est pas un jarret de bœuf, un os à moelle, des carottes, un navet, un poireau, des pommes de terre et des clous de girofle posés à plat sur la table. Pour que ça devienne un pot-au-feu, il faut que tous les ingrédients soient assemblés, qu’ils cuisent doucement pour s’associer, fusionner, se renvoyer les uns aux autres.
Et Under the Silver Lake manque singulièrement de liant. Il a bien un fil rouge, mais trop distendu pour réunir ses saynètes en un tout cohérent. C’est donc un gros bordel qui saute de référence en référence, les place avec succès, mais peine finalement à raconter une histoire.
Quelque part, le parallèle avec certains David Lynch (Mulholland drive en particulier) s’impose : évidemment, la tonalité est radicalement différente, mais on retrouve la même volonté de laisser le spectateur dans l’expectative, de brouiller les pistes, de multiplier symboles et références, et au bout du compte la même faiblesse de propos global.