Altered carbon
|de Laeta Kalogridis, 2018, ****
C’est l’histoire d’un mec qui a été assassiné, pour de vrai : non seulement son corps, mais aussi la pile qui contient sa conscience ont été détruits. Bien sûr, comme il était très, très riche, il avait pu copier régulièrement ses données, et il avait même des clones pour faire ré-envelopper sa dernière sauvegarde dans un corps identique au sien : tout ce qu’il a perdu, c’est une journée de souvenirs. Mais il voudrait bien savoir qui l’a fait assassiner et, vu que la flicaille a un rapport discrétion/efficacité discutable, il préfère faire sortir de suspension Kovacs, un type au passé trouble, ancien militaire doué pour l’intelligence comme pour le combat. Enveloppé dans le corps parfaitement entretenu d’un flic récemment suspendu, voilà donc Kovacs à la recherche des assassins de son employeur.
Sur le fond, c’est donc une histoire de détective assez classique, qui reprend tous les codes du polar noir à l’ancienne : corruption omniprésente, pauvres très pauvres et riches très riches, bas-fonds urbains délaissés des autorités, personnages louches, violence et prostitution. Sur la forme, c’est entre anticipation pessimiste et cyberpunk, dans une ambiance qui rappelle fortement Blade runner. On y parle évidemment de flics, d’assassins, de victimes, de pauvres gens qui survivent comme ils peuvent, de richissimes intouchables qui se permettent tous les crimes.
Ceci dit, le vrai sujet de la série, c’est la conscience, et plus particulièrement le rapport entre la conscience et la mort. Reste-t-on soi-même lorsqu’on est ré-enveloppé dans un autre corps ? Est-on une conscience lorsqu’on est conscient d’être artificiel ? Garde-t-on une conscience lorsque le transfert d’enveloppe en enveloppe nous rend immortel ? Et d’ailleurs, la sauvegarde et le transfert de conscience rendent-ils vraiment immortel ?
Ambiance travaillée, acteurs soigneusement sélectionnés, personnages bien écrits, enjeux politiques, sociaux, humains et même familiaux, références historiques et littéraires, tout est là pour faire une très grande série d’anticipation noire. Et on n’en est pas loin : le seul problème, ce sont les ruptures de rythme d’une séquence à l’autre, qui nuisent un peu au maintien d’une ambiance constante. Dans une narration glauque, prenante et oppressante, certains passages sont juste assez languissants pour qu’on se rappelle que ce n’est qu’une série télé — sans pour autant être clairement destinés à alléger le propos.
Ne tirons pas sur le pianiste : c’est tout de même très bon et hautement recommandable, et cela confirme le renouveau de la science-fiction noire sur nos écrans.