Top of the lake : China girl
|de Jane Campion et Gerard Lee, 2017, ***
Quatre ans ont passé, Robin vient de rentrer à Sydney, de retrouver sa brigade des mœurs et de découvrir sa nouvelle coéquipière. Et voilà que, un beau jour, la marée dépose sur une plage une valise. À l’intérieur de la valise, le corps d’une jeune femme ; à l’intérieur du cadavre, un fœtus de quelques mois. Idéalement, il faudrait retrouver la famille de l’inconnue, l’assassin et éventuellement le père du fœtus — pas forcément dans cet ordre.
Les auteurs ont pris un risque : abandonner le cadre qui avait un rôle essentiel dans Top of the lake. À Sydney, point de paysages déserts, ni de forêt vierge, ni de campagnard rustauds habitués à vivre selon leurs propres règles loin des lois de la capitale. Nous voici dans une grande ville, avec ses pavillons bourgeois, ses hôtels de passe minables et ses souterrains crasseux.
Le sort des femmes n’y est pas pour autant meilleur : pour les malchanceuses, le rôle d’épouse morose ; pour les malchanceuses, celui de maîtresse ignorée ; et pour les malchanceuses, celui de prostituée manipulée. Quant à celles qui, par hasard, passeraient à travers les mailles pour être éduquées et indépendantes, les voilà tour à tour proies ou prédatrices, agressées ou castratrices. S’il est un thème récurrent depuis la première saison, c’est la condition féminine dans une société traversée par une permanente guerre des sexes — dans laquelle les pacifistes sont, à leur corps défendant, des soldats comme les autres.
Hélas, les auteurs ont pris un second risque : la quête personnelle de Robin, menée en parallèle de son enquête professionnelle. Sans vouloir trop déflorer le sujet, son seul intérêt est d’explorer un couple d’adoptants en cours d’effondrement ; mais pour le reste, c’est assez mal fichu, les relations entre Robin et les autres étant artificielles et maladroites et le lien avec l’enquête tout simplement absurde. Impossible de croire à cette histoire et aux coïncidences sur lesquelles elle repose et, du coup, impossible de croire à l’édifice de cette seconde saison.
Le résultat est franchement bancal : d’un côté, la série abandonne son originale enquête sur les mœurs reculées des Néo-Zélandais pour devenir une banale histoire policière australienne, avec un cadavre à identifier, un coupable à démasquer et des faux-semblants à déjouer. C’est bien fait, mais bien moins original. D’un autre côté, les auteurs semblent avoir voulu rajouter des histoires personnelles aux uns et aux autres dans l’espoir de redonner une touche d’inédit et de renforcer l’intérêt de leur œuvre, mais ils se sont emmêlés les pinceaux avec des enchaînements sans queue ni tête et des coïncidences impossibles.
Le résultat n’est pas mauvais en soi : ça se regarde toujours avec plaisir et le statut des femmes et des hommes est à nouveau décortiqué avec une précision louable. Mais alors que Top of the lake était solidement campé sur un point de départ unique, les histoires annexes venant apporter un regard différent mais cohérent sur l’ensemble, Top of the lake : China girl se perd dans ses intrigues et ne parvient pas à les croiser naturellement. Ça n’est pas qu’un bon polar un peu capillotracté soit mauvais ; c’est juste qu’on pouvait légitimement s’attendre à bien mieux.