Blindspot
|de Martin Gero, depuis 2015, **
Une femme amnésique et non identifiable sort d’un sac déposé dans la rue. Seuls indices : des tatouages, recouvrant la quasi-totalité de son corps, dont un renvoie directement à Kurt Weller, un agent spécial dont la voisine a disparu lorsqu’il avait dix ans. Le FBI s’aperçoit que les autres tatouages sont en rapport avec des affaires criminelles, et « Jane Doe » se retrouve rapidement embarquée dans l’équipe de Weller — parce que manifestement, elle a un passé militaire.
Bon, voilà voilà… Dans ce bref résumé, vous avez vu passer une demi-douzaine d’œuvres plus ou moins à la mode. L’ancien militaire amnésique fera inévitable penser à Jason Bourne. Les tatouages donnant les clefs des histoires, au hasard, à Prison break. L’intervenant extérieur qui file des affaires une par une au FBI, ben vous l’avez vu dans The blacklist. L’agent du FBI traumatisé par la disparition d’une gamine dont il était proche a forcément un côté Fox Mulder et le « consultant extérieur » embarqué dans les enquêtes au mépris de toute logique, vous l’avez vu plein de fois (par exemple Richard Castle). Et le complot qui veut faire tomber des autorités, le membre du complot qui hésite sur sa voie, les agents d’une équipe qui hésitent à sortir ensemble, etc., je sais même pas vous dire à quel point ça peut avoir l’air resucé.
Voici donc un superbe exemple de série fourre-tout, pondue par des gens qui n’ont pas su choisir : ils ont mis tous les ingrédients qui leur passaient par la tête, ont fait tourner le mixeur, et voilà le résultat. Certains éléments sont déjà vus cent fois, d’autres confinent tout simplement au ridicule — par exemple, vu la quantité de tatouages dont Jane est ornée, comment est-il possible que Patterson, la nerdette de service, décrypte systématiquement celui qu’il faut pour une enquête qui doit être bouclée urgemment aujourd’hui sinon ça sera trop tard ?
C’est dramatique, parce que sur le papier, il y avait quelque chose à faire. Avec des rebondissements un peu moins capillotractés (mention spéciale à « ah ben oui, c’est normal, j’ai falsifié le dossier ADN de Jane au FBI »), un premier rôle masculin moins artificiellement torturé et globalement des personnages moins systématiquement complexes, il y aurait eu matière à une déclinaison policière de La mémoire dans la peau qui aurait pu bien tourner. Mais il aurait fallu élaguer, prendre le temps de réviser le script en virant ce qui ne collait pas et en assurant un caractère à peu près cohérent aux personnages (non, des super-flics super-méfiants ne peuvent pas décider d’une seconde à l’autre que finalement ils ont totalement confiance en Jane, surtout si c’est pour redevenir super-méfiants à l’épisode suivant).
Le résultat fait un peu penser à Quantico, par le côté « on a deux épisodes avec une idée, et puis après on ne sait plus qu’en faire ». Heureusement, c’est quand même pas aussi terrible : certains acteurs font convenablement leur boulot (faudrait quand même penser à renvoyer Stapleton aux rôles secondaires) et surtout la série ne tourne pas à 100 % en mode Le miel et les abeilles après la première mi-saison. Ça reste donc à ce jour une série policière américaine, avec ses enquêtes capillotractées, ses ordinateurs magiques qui retrouvent une plaque d’immatriculation dans le reflet d’une vitrine capturée par une caméra de surveillance de nuit dans le brouillard, ses rebondissements téléphonés et/ou absurdes, bref une série policière américaine très ordinaire mais qui tourne sans déplaisir. Le seul problème, c’est qu’on a toujours l’impression d’un sérieux gâchis par rapport au potentiel de l’idée de base.
Note en passant : les amateurs d’aviation absurde doivent absolument voir le onzième épisode de la première saison. C’est un concentré de fous rires assuré, le genre à vous redonner le moral pendant un mois tellement c’est absurde de bout en bout.