The accountant¹
|de Gavin O’Connor, 2016, ****
Et si Rain Man avait été juste assez ouvert pour pouvoir s’intégrer à la société ? Tel est le point de départ de cette histoire, où un autiste léger devient « le » comptable, spécialisé dans les audits de comptes complexes, celui que les grandes entreprises embauchent quelques semaines lorsqu’elles soupçonnent des fuites d’argent.
Mais les grandes entreprises souffrant de fuites d’argent ne sont pas toujours d’une honnêteté exemplaire, et certains clients sont même franchement dangereux. Heureusement, comptable itinérant, c’est aussi une couverture idéale, quand on est le fils d’un ancien militaire, élevé à la dure et entraîné au combat : elle permet de régler ses comptes discrètement et de se relocaliser à l’autre bout du pays en cas de besoin…
Donc, voilà : ce film repose sur un postulat pour le moins osé, qu’on nous demandera d’accepter sans faire preuve de trop d’esprit critique — après tout, les personnages eux-mêmes se demandent à un moment donné : « quelle était la probabilité que ça arrive ? » Admettons donc, et regardons la suite.
Heureusement, une fois accepté le combo autiste/génie/comptable/commando, on a affaire à un vrai polar, bien plus costaud que le très classique et moyen Le prix de la loyauté. On suit parallèlement l’enquête entre un duo de flics un peu déjà vu (une jeune et un bientôt retraité) et la lutte du comptable contre son dernier client, au fil d’un scénario un peu tiré par les cheveux mais bien construit, avec des clefs multiples et des révélations progressives pour assembler le puzzle. Les acteurs font leur taf : l’histoire retiendra que le premier rôle où Ben Affleck est convaincant est celui d’un autiste, tandis que J.K. Simmons confirme sa capacité à passer du sympathique au glaçant en une seconde. La photo est correcte, et surtout réalisation et montage assurent un rythme vif et entraînant.
On touche au passage à la place et l’éducation des autistes dans notre univers, avec quelques flashes-back plutôt réussis ; on traite également du traficotage de comptes et du dilemme moral concernant une entreprise qui sauve des vies et répare des blessés, mais qui triche sur son bilan, et comme dans tout bon polar on a droit aux vengeances entre mafiosi ou aux relations entre frères et équipiers.
Vous l’aurez compris, l’ensemble n’est pas réaliste pour un sou. Mais c’est prenant, franchement bien mené, et c’est un polar qui se dévoile peu à peu comme on les aime. Si quelques scènes un peu faibles ternissent l’ensemble, ça reste une distraction efficace tout à fait adaptée aux amateurs du genre.
¹ Le Comité anti-traductions foireuses aurait pu accepter un titre français à la con genre « M. Wolff », même si la simple traduction « Le comptable » et sa pointe d’ironie s’imposaient naturellement. Mais « mister Wolff », non, pas possible — tant qu’à avoir un titre en anglais, autant garder l’original.