Blood father
|de Jean-François Richet, 2016, ****
Si vous n’avez jamais vu un polar basé sur un ex-taulard rangé des voitures qui se retrouve aspiré dans un tourbillon de violence, c’est que vous n’avez jamais vu de polar. Je veux dire, c’est quand même un des clichés les mieux ancrés du milieu, une idée reçue presque aussi resucée que l’ancien garde du corps/agent de la CIA devenu retraité/cuistot qui va sauver le président/le monde (avec Steven Seagal, Bruce Willis ou parfois Clint Eastwood).
Quant à l’enfant partie de la maison qui y revient la queue entre les pattes avec la mafia au derche, c’est pas exactement un sommet d’originalité non plus.
Mais Jean-François Richet est bon : le polar à l’ancienne, il sait faire, et je vais même le soupçonner d’aimer ça. Il n’a donc pas besoin de chercher l’originalité absolue et sait utiliser efficacement des ficelles connues. De même que son Mesrine était, plus qu’un biopic, un polar solide, classique, propre mais sans fioriture, à destination des amateurs du genre, son Blood father est un film de cavale soigné, bien construit, tenant du western et du polar, superbement mis en images mais de facture traditionnelle.
Et Richet a un gros avantage : il a Mel. Mel, que j’avais plus vu aussi bon depuis des lustres : blasé, usé, crasseux comme l’univers dans lequel il survit, créchant dans une communauté de rednecks (au passage, s’il y a un film qui vous fera comprendre l’expression, c’est celui-ci) à l’écart des tentations des armes, des deux-roues et de l’alcool, et renvoyé sur les routes par les inconséquences de sa fille. Mel, qui nous fournit une interprétation équilibrée, entre sobriété et expressivité, entre refoulement et explosion, entre usure de l’âge et énergie du désespoir.
Au passage, on verra avec plaisir un petit bout de la face B du rêve américain, celle où on fait fortune en commercialisant des objets nazis pendant que les travailleurs agricoles qui nourrissent le pays crèvent de faim dans des caravanes.
Ne versons pas dans l’exagération pour autant : ça n’est pas un de ces grands films bouleversants qui vous font voir le monde sous un autre angle. Mais c’est un polar très solide, bien ancré dans son monde, qui profite d’un acteur habité et d’une photo magnifique, dont il serait du coup dommage de se priver — sauf si on n’aime pas les polars, les road-movies et la poussière du Nouveau-Mexique.