Money monster
|de Jodie Foster, 2016, ****
Si j’étais une femme, je voudrais être Jodie Foster. Pas seulement parce que tant qu’à faire, je préférerais me plaire quand je croise un miroir, mais aussi parce qu’elle parle français mieux que moi, parce qu’elle peut tout jouer avec une justesse déconcertante, et parce que globalement, elle semble brillante.
Comme réalisatrice, elle est plus discrète. Le petit homme a connu un certain succès, mais Week-end en famille est passé inaperçu et Le complexe du castor a tout juste fait lever un sourcil aux critiques. Cela n’empêche que si on fouille un peu, ces deux œuvre mineures semblent avoir surtout été plombées par des scénarios perfectibles : l’interprétation et la réalisation sont généralement notées parmi les points positifs (notez que je n’ai vu ni l’un, ni l’autre).
Avec Money monster, Foster réalise un scénario de Jim Kouf et Alan Difiore, qui nous ont donné des séries télé pas vraiment remarquables et deux Benjamin Gates (soit exactement deux de trop), avec un casting basé sur George Clooney, Julia Roberts, Dominic West et Jack O’Connell. On a donc tout pour craindre la reproduction du même phénomène : un scénario naze qu’une interprétation solide et une réalisation sérieuse ne sauveront pas.
C’est donc plutôt une bonne surprise : le scénario est plutôt bien foutu. Bon, je n’irai pas jusqu’à le qualifier de « malin », faut pas pousser non plus, mais il épingle plutôt finement deux travers fondamentaux de la société actuelle, la dictature du spectacle et le dérèglement délirant de la finance. La première fait que les émissions chargées de présenter l’économie se transforment en shows spectaculaires bien plus proches de la publicité que de l’information, le second fait que plus personne ne sait où se trouve l’argent investi quelque part — pas même ceux dont le métier est de l’investir — et la conjugaison des deux fait que d’honnêtes actionnaires peuvent se retrouver à poil sans que personne ne soit capable, non seulement d’endosser la responsabilité, mais même de comprendre ce qu’il s’est passé.
Bien sûr, le film souffre d’un biais énorme : pour lui, c’est un méchant corrompu manipulateur qui grippe le système, et non la façon dont le système lui-même est conçu. Lorsque le présentateur télé demande à ses auditeurs d’acheter une action pour littéralement lui sauver la vie, le scénariste n’ose pas lui dire la vérité : si ça ne marche pas, c’est parce qu’il a dit aux gens que ça ne leur rapporterait rien et qu’il comptait sur leur humanité.
Mais honnêtement, certains retournements sont plutôt bons, certaines répliques sont d’un cynisme achevé, et même le pseudo-happy end un peu abusif est brutalement rehaussé par les cinq dernières secondes du film, pour finir sur une (im)morale assez savoureuse. Du coup, sur ce plan, ce petit thriller plutôt bien ficelé est finalement agréable.
Le casting ne prend pas beaucoup de risques, chaque acteur étant utilisé dans des rôles qu’il connaît. Il n’empêche que Clooney est toujours aussi bon en connard égocentrique qui doit affronter la conséquence de ses affirmations et que Roberts reste un de mes pit-bulls favoris. La réalisation est plutôt discrète, jouant sur le contraste avec l’exubérance du show télévisé, mais sait poser quelques plans travaillés en jouant par exemple sur les portes entrouvertes pour cadrer un détail, et la gestion parfaite du rythme permet de prendre le spectateur et de le tenir jusqu’au bout.
On peut regretter que le film ne soit pas allé plus loin dans le démontage du système financier et en particulier du trading haute fréquence, mais il est franchement agréable et, sans être un brûlot anticapitaliste, il peut poser quelques questions intéressantes. Une honnête réussite donc.