Ave, César !
|de Ethan et Joel Coen, 2016, ***
Les Coen sont surtout connus pour leurs comédies délirantes, leurs films à l’anglaise comme Fargo et The big Lebowski. Pourtant, si on regarde leur filmographie depuis une quinzaine d’années, ce sont surtout leurs films sérieux qui les ont installés comme grands cinéastes : No country for old men — non, ce pays n’est pas pour le vieil homme avait signé leur retour à leurs premières amours, le polar, avec une tonalité beaucoup plus sérieuse malgré quelques touches d’humour grinçant, True grit était un des meilleurs westerns du moment mais aussi l’un des plus durs, et si Inside Llewin Davis pouvait être drôle par moments, c’était surtout une fable tragique sur la passivité, plus proche de L’étranger que de Good morning, England !. À l’inverse, ils ont un peu perdu la main du côté farce, comme en ont témoigné coup sur coup la comédie d’espionnage mollassonne Burn after reading et l’absurde familial A serious man.
Ce n’est pas Ave, César ! qui va me faire changer d’avis. Certes, c’est beaucoup plus enlevé que les deux échecs pré-cités, certes, on rit volontiers par moments, certes, la première scène est extrêmement réussie, certes, certains gags fonctionnent parfaitement (un chien sur un bateau, c’est presque aussi nul qu’un lapin, en fait).
Et évidemment, les acteurs sont très bons, sachant rester sur le fil de l’excès sans s’y abandonner, et le soin apportée à la photographie, aux décors et à l’ambiance est notable.
Mais ça ne va pas beaucoup plus loin que ça. Cette vision fantasmée du cinéma des années 50 semble elle-même un peu pétrifiée dans le temps, incapable de trouver durablement son souffle, et devient finalement plus un enchaînement de saynètes qu’une vraie histoire construite. La mise en abîme des tournages dans le film n’est pas non plus extrêmement réussie et sa seule bonne idée (le parallèle entre Baird Whitlok, acteur qui découvre le communisme, et le général romain qu’il interprète et qui découvre le christianisme) est finalement largement laissée de côté.
Dans l’ensemble, le film est tout à fait regardable et offre même de bons moments. Mais cela reste très loin d’un bon vieil O’Brother, where art thou ? ou même d’un simple Intolérable cruauté.