Le pont des espions
|de Steven Spielberg, 2015, **** (juste)
Une chose est absolument certaine : Steven connaît son boulot sur le bout des doigts et excelle dans l’art de diriger des acteurs, de créer des ambiances, de raconter des histoires. Janusz Kaminski, l’un de ses directeurs de la photographie habituels, de même : l’image est soignée, l’éclairage superbe, il n’y a rien à redire au plan graphique. Adam Stockhausen et Kasia Walicka-Maimone, aux décors et aux costumes, sont également de grands professionnels qui savent fournir une reconstitution qui sonne juste. Et je ne vous ferai pas l’injure de vous faire l’article concernant Tom Hanks, Alan Alda, Mark Rylance ou Sebastian Koch, leurs filmographies parlent pour eux.
Une autre chose est sûre : l’histoire de la récupération de Francis Gary Powers est un sujet en or pour un film d’espionnage, et elle a déjà été traitée sous tous les angles. Les frères Coen, grands scénaristes s’il en est, ne se sont donc pas contentés de la narration habituelle mais ont trouvé un axe original : s’intéresser aux racines de l’échange, à partir de l’arrestation de William Fischer (alias Rudolf Abel), l’espion soviétique qui fut échangé contre Powers. Pour cela, ils se sont basés sur le récit d’un personnage central, l’avocat d’Abel et négociateur de l’échange, James Donovan.
Le gros problème du Pont des espions, c’est qu’à ce stade, il a tout juste le droit d’être très bon : matériau impeccable, script soigné, gens talentueux devant, derrière et autour des caméras, il est contraint à l’excellence.
Or, il n’y parvient pas. Enfin, pas tout à fait.
En fait, tout le monde a trop bien fait. On ne trouvera rien de particulier à reprocher au film (enfin, à part peut-être la chute de Powers, qui tente d’en faire un héros alors que rien n’indique qu’il ait même essayé de faire sauter son U‑2), mais la mayonnaise a du mal à prendre. C’est un beau travail, impeccable, soigné, mais sans âme. Comme le héros, parfait père de famille américain, patriote, droit, honnête, dont le seul défaut est de craindre le rhume et à qui on peine du coup à s’intéresser.
Après deux bonnes heures dans la salle (et après avoir survécu à un épilogue qui aurait mérité d’être coupé), le bilan s’impose : on retient plus les quelques lenteurs de montage que les remarquables qualités de l’ensemble. Un très beau film, très réussi, mais insignifiant.