Spectre
|de Sam Mendes, 2015, **
Spectre a des qualités. Hoyte Van Hoytema, directeur de la photographie, a fait un boulot assez magnifique ; ce n’est pas une surprise (Sam Mendes s’est toujours entouré de photographes de qualité), mais ça mérite d’être noté. Le casting est sublime : Craig déroule son rôle avec une décontraction certaine qui commence à vaguement rappeler Sean Connery (qui reste le meilleur James Bond, quiconque vous dit le contraire est soit un menteur soit un imbécile), Waltz et Scott sont toujours à un doigt d’en faire trop mais ne basculent jamais du mauvais côté de la caricature, Whishaw et Fiennes font leur taf avec aisance et prennent un rôle un peu plus important que dans la tradition des Q et M qui les ont précédés, Seydoux est un poil borderline par moments mais finalement ça passe et son personnage dépasse largement le rôle décoratif des « James Bond girls » traditionnelles, bref, on a de bons acteurs qui servent des personnages relativement équilibrés, avec un effort pour creuser un peu les origines du Bond qui dépoussière agréablement le personnage. À ce niveau, on est dans la lignée de Skyfall, avec peut-être un supplément bienvenu d’auto-dérision, et un Bo 105 et un Islander pour les amateurs d’appareils sympas et méconnus.
Le problème, c’est que ce dernier Bond semble par ailleurs paralysé par l’hérédité. Symptôme évident : la musique, omniprésente et franchement envahissante (elle n’est d’ailleurs qu’un élément d’un mixage sonore très agressif), est perpétuellement figée sur les mêmes thèmes piochés dans les Bond des années 60. Qu’on les reprenne de temps en temps comme clin d’œil, c’est l’évidence ; mais au contraire de Skyfall, Spectre n’a aucun morceau marquant et repose entièrement sur une signature auditive dérivée de James Bond contre Dr No. Autre détail du même acabit : pour la première fois depuis Brosnan, l’ouverture se fait sur la scène du canon, ce qui là aussi renvoie à une signature vieille d’un demi-siècle. Pour son premier opus, Mendes avait utilisé les clins d’œil à bon escient et avait su sortir des chemins tracés ; ici, hormis l’intervention plus directe de ses supérieurs et malgré le débat sur la caducité du dispositif 00 et son évolution dans l’ère moderne, tout renvoie aux Bond traditionnels, et le scénario est finalement assez simpliste malgré la volonté de creuser les personnages.
L’ensemble est donc assez décevant ; ce n’est pas vraiment un mauvais Bond, et il reste bien meilleur que Quantum of solace, mais franchement, j’attendais bien mieux.
(Quant à la décision de la distribution de rajouter « 007 » devant le titre, comme si les Français étaient trop stupides pour retenir que Spectre était le titre du nouveau James Bond, je saurais même pas la commenter poliment.)