Les chevaliers du ciel
|de Jean-Michel Charlier et François Villiers, 1967–1969, ***
Comment juger ça quarante-huit ans plus tard ? Comme toutes les séries de l’époque, celle-ci a vieilli. Les standards narratifs ont changé et des intrigues qui passaient à l’époque paraissent incroyablement naïves de nos jours — en particulier, les ennemis invisibles genre « Monsieur X », que Jean-Michel Charlier affectionnait particulièrement, ont commencé à être raillés dès les années 70 (Superdupont et son « anti-France » par exemple). Et puis, les rôles féminins restent essentiellement réduits aux secrétaires, intérêts romantiques, victimes ou parfois traîtresses. Quand la série a été lancée, cela ne faisait que deux ans que les femmes pouvaient travailler sans demander la permission à leur mari, la contraception était illégale sous toutes ses formes (jusqu’à la loi Neuwirth en fin d’année), et des notions comme harcèlement sexuel et égalité des sexes n’étaient même pas abordées dans les ouvrages de science-fiction ; on ne s’étonnera donc pas de voir nos gentils héros relancer avec insistance tout ce qui porte un jupon (sauf les curés, bien entendu) et cogner pour obtenir des renseignements.
Cependant, Les chevaliers du ciel s’en sort mieux que pas mal de séries contemporaines, Les aventures de Michel Vaillant en tête. Elle doit beaucoup à la patte de Jean-Michel Charlier, qui déjà n’hésite pas à développer des arcs narratifs s’étalant sur plusieurs épisodes (imposant de les voir tous et dans l’ordre) pour sortir du carcan des 25 min. Il tente également de maintenir une certaine cohérence entre ses scenarii et la réalité : certains éléments, comme les vols de records visant à exporter le Mirage III, les tests délicats du « Voltaire » (en fait le Mirage III V, le nom étant une allusion au prototype Balzac qui le précéda) et l’espionnage industriel autour de la géométrie variable du Mirage G, profitent d’une volonté de réalisme certaine et peuvent même être un peu techniques par moments. On remarque d’autant plus certaines bizarreries grossières, comme un poste de pilotage utilisé à plusieurs reprises qui ne ressemble en rien aux avions dans lesquels l’action est censée se dérouler.
Les acteurs sont très variables, Christian Marin s’en sortant plutôt bien en Laverdure caractériel, délicatement obsédé et vaguement lunaire, alors qu’il suffit d’entendre Jacques Santi parler une seconde dans un « groin » pour se dire que la notion d’intonation lui est totalement étrangère. La réalisation est correcte mais jamais haletante ; elle souffre surtout de quelques plans-coupes étranges (comme une vue sur un moteur droit quand un personnage vient de dire de regarder à gauche) et d’un montage sonore parfois extrêmement amusant — en particulier quand on enchaîne un épisode où un Bréguet 941S fait un bruit de moteur à piston et un autre où un Sikorsky H‑34 fait un bruit de turbine.
Ah oui, parce que cette série a cette immense qualité pour les maniaques dans mon genre, qui lui permet d’accrocher le badge « fréquentable » : on y voit à peu près tout ce qui volait en France dans les années 70, y compris cette espèce de G.222 capable d’opérer depuis des héliports et ce vieux monstre pétaradant et placide qui précéda les Puma.
Dans l’ensemble, si vous aimez les séries des années 60, celle-ci est sans doute une de celles qui a le moins mal supporté les outrages de la vieillesse ; mais elle reste typique de son temps et doit être regardée plus comme un document de l’époque que comme un divertissement moderne.