Airport 80 Concorde
|bousasse gluante de David Rich, 1979
Vous connaissez la malédiction des numéros pairs ? Ça arrive parfois dans certaines séries de films, où le premier fait l’objet d’un certain soin, le deuxième est lancé avec un investissement intellectuel minimal en espérant surfer sur le succès du premier, le troisième essaie de renouveler la franchise en redressant un peu la barre, le quatrième est traité par dessus la jambe soit parce que le troisième a bien marché, soit parce que le troisième n’a pas été rentable et que le budget a été drastiquement coupé… Oui, je pense par exemple aux Twilight : un sympa, un mou, un mieux, un naze (enfin, deux nazes).
Ben Airport, c’est pareil. Les impairs ont eu droit à des conseillers techniques, les pairs ont été écrits par des crétins décérébrés incapables de faire autre chose que d’empiler des scènes pourries.
Airport 80 Concorde est ainsi un film-catastrophes, avec pas moins de trois intrigues-catastrophes successives — un missile, puis un F‑4, puis un attentat — se concluant par deux atterrissages en vrac.
Chacun de ces épisodes est risible, avec un Concorde qui voltige sans soucis, des passagers qui hurlent et des bagages qui tombent quand l’avion est sur le dos (Alain Delon, crème de la crème qui a une carrière militaire brillante sur Mirage avant de passer dans le civil comme instructeur sur Concorde, sait même pas faire un tonneau barriqué).
Bien entendu, il y a d’autres points qui peuvent laisser songeur. Ne vous inquiétez pas pour la décompression explosive qui a lieu plusieurs minutes après qu’une porte de soute s’est ouverte de cinq bons centimètres : le système de pressurisation de Concorde est le meilleur au monde, tout simplement. Quant au pilote qui ouvre la fenêtre pour tirer une fusée d’alarme en plein vol, il doit avoir emprunté un bras à Steve Austin, c’est des choses qui se font entre super-héros.
Bien sûr, pour l’avion en panne de carburant et noyé sous la neige qui trouve quand même le moyen d’exploser, l’explication rationnelle est plus difficile à trouver. Peut-être une mine allemande de la Seconde guerre mondiale qui traînait sous la poudreuse ?
Au delà des aspects techniques, une autre vérité : les personnages sont, dans l’ensemble, écrits avec les pieds par un journaliste de Nous deux un soir de cuite. Déjà, ils nous ont ressorti l’histoire de la greffe de 747 en péril, comme si une seule fois ne suffisait pas. Il y a ensuite le commandant instructeur qui ne se rend pas compte qu’il se tape Emmanuelle et qui paie une dame à vertu allégée au commandant élève, logique. Il y a aussi la journaliste qui reçoit le scoop de sa vie le lendemain d’une tentative d’assassinat, et qui décide d’attendre de voir son amant marchand d’armes le soir avant de publier parce que « le pire, c’est que je t’aime encore ». Il y a la sportive russe et le journaliste américain qui se font des mimis depuis des années parce que tout le monde sait qu’à la fin des années 70, les délégations olympiques d’URSS passaient leur temps aux États-Unis. Et puis bon, je suis le seul à trouver bizarre tous ces Soviétiques qui montent dans un Concorde sans tiquer ?
Notons pour l’anecdote la carrière étonnante de Joe Patroni, seul personnage récurrent d’un Airport à l’autre. Un élément de l’intrigue d’Airport, où il est chef mécanicien, c’est qu’il a une licence de roulage — autrement dit, il peut déplacer un appareil au sol, mais n’a pas le droit de le piloter en vol. Donc, on sait qu’il n’est pas pilote en 1970 : au mieux, il commence à voler en 71. En 74 et 77, on sait qu’il n’est pas pilote professionnel puisqu’il est directeur de compagnie aérienne, puis responsable des secours. Donc, au plus tôt, il commence une carrière de pilote professionnel en 78 (à plus de 50 ans, pourquoi pas après tout). Un an plus tard, il est capitaine ultra-capé considéré comme une référence par sa compagnie, au point d’être le premier commandant de bord à être formé sur le premier exemplaire de l’avion le plus prestigieux de la flotte. Sacrée promotion, non ?
Je vais pas parler de la qualité des maquettes ou des effets spéciaux moins réussis que chez Méliès, je pense que vous commencez à comprendre : ce film est peut-être l’une des œuvres les plus hilarantes de l’histoire du cinéma américain. Le seul problème, c’est qu’il est parfaitement sérieux.
Une note qui n’a rien à voir avec le film pour conclure : ça fait tout de même un choc, dès les premières scènes, quand on voit l’immatriculation du Concorde qui a tourné les scènes aériennes. F‑BTSC est sans doute, malheureusement, le plus connu du type…