Maintenant ou jamais
|de Serge Frydman, 2013, ****
J’aime bien le polar français, notamment parce que c’est un genre que l’on ne peut accuser de monotonie. La plupart des films qui s’y rangent ont des traits communs — ambiguïté des personnages, ambiance lourde et désabusée — mais on y trouve de tout, des films centrés sur l’enquête, d’autres sur les à‑cotés familiaux, certains racontés côté flics, d’autres côté voyous, d’autres encore suivant les deux en parallèle… Et surtout, c’est par excellence le genre où le cinéma français s’empare des sujets de société.
C’est le cas de Maintenant ou jamais, qui conte l’histoire d’une mère de famille qui contraint un loubard à braquer une banque, mais qui conte surtout l’histoire de l’attirance un peu malsaine d’une aspirante bourgeoise pour un échalas qui lui a tiré son sac à main, et l’histoire d’une femme prise au « rêve français » — la petite maison en banlieue avec le mari, les gosses, le chien et le piano — qui se réveille brutalement un matin de licenciement.
« Personne ne vous a demandé d’avoir des rêves au dessus de vos moyens », lui dit-on. En oubliant que si, justement : c’est la publicité, les banques, la société actuelle même qui implantent ce genre de rêves, transformant les paisibles mères de famille en bombes à retardement.
Cette démonstration peut être un peu pesante ou naïve, en particulier pour un truc tout con : quand on n’est pas totalement débile, si on est en période d’essai, on prend une assurance licenciement, et c’est celle-ci qui rembourse le crédit le temps qu’on retrouve des revenus adéquats. Ce détail pourrait foutre en l’air la totalité du film, qui du coup tient principalement en vertu d’un contrat tacite entre scénariste et spectateur : « tu me fais pas chier avec la vraisemblance de l’élément déclencheur, et je t’offre une heure et demie de très bonne distraction sur fond social moderne ».
Car une fois évacué cet écueil, le film tourne extrêmement bien, avec un scénario bien mené, un montage soigné au rythme prenant, et surtout un lot d’acteurs assez magistraux. Le duo Duvauchelle-Bekhti fonctionne superbement, au point d’éclipser totalement Arthur Dupont — en même temps, c’est assez conforme à l’histoire.
Il y a tout de même une faiblesse qui tranche avec le polar français classique : un happy end un peu survendu genre « ils vécurent heureux et eurent beaucoup de remises de peine », presque aussi niais que le premier finale de Blade runner. Il aurait pourtant suffi de couper après la récupération du sac pour obtenir une fin ouverte, ambiguë et un peu noire sans doute plus efficace pour les amateurs du genre.