Begin again¹
|de John Carney, 2014, ****
Ça se passe dans un bistrot new-yorkais. Elle est jeune, déprimée, prête à repartir au Angleterre, et elle vient d’être poussée sur scène par un ami qui veut lui changer les idées. Il est quinquagénaire, bourré, prêt à oublier la production musicale, et quand elle commence à poser sa voix mal assurée sur trois accords de guitare, il imagine la batterie, le guitariste, le bassiste, le pianiste et le violoniste qui pourraient mettre en valeur ce morceau de folk qui parle de ces moments où on hésite à prendre le métro ou à sauter dessous.
Et comme il n’a pas les moyens de louer un studio, ils vont enregistrer là, comme ça, au débotté, dans la rue ou sur les toits.
Begin again n’est pas d’une originalité folle : c’est au fond l’histoire de deux abîmés par la vie qui s’apprivoisent, rien de très différent de Crazy heart ou De rouille et d’os par exemple. C’est gentil et relativement prévisible, et les associations de lutte contre l’alcoolisme ne vont pas du tout aimer — l’alcool, c’est le nid de la créativité, dirait-on.
Mais Begin again est un vrai petit bijou, qui repose sur des détails, des personnages bien construits et une photo qui colle au sujet. Il joue sur un subtil équilibre entre comédie et tragédie, sur des échanges de mimiques (Mark Ruffalo est décidément très bon en poivrot has been et Keira Knightley fait finalement plus que lui donner la réplique), sur des dialogues ciselés qui évitent la moralisation inutile, et sur un soin particulier à désamorcer intelligemment les clichés éculés auxquels on aurait pu s’attendre.
C’est du coup tendre, gentil, méchant, cynique, drôle, triste, et ce d’un bout à l’autre — voire après le second bout : monsieur UGC, si tu pouvais attendre que le film soit fini pour remettre les lumières, ça serait cool, même si le générique a commencé.
¹ Le presque célèbre Comité anti-traductions foireuses n’ayant pas compris pourquoi le titre « français » devrait être New York melody, il a décidé de conserver le titre original de cette œuvre.