Revenge

de Mike Kelley, depuis 2011, ****

Si votre voi­sine est mon­daine, riche, char­mante, polie et séduit votre fils, méfiez-vous : elle a peut-être un rap­port avec cette vieille his­toire, vous savez, ce type que vous avez tra­hi il y a vingt ans pour gagner votre for­tune et votre pouvoir…

Du Comte de Monte-Cristo, dont les auteurs disent s’être ins­pi­rés, il ne reste au fond pas grand-chose. Le seul point com­mun, c’est qu’il s’a­git de ven­ger une dénon­cia­tion calom­nieuse dans un monde de riches hypo­crites et sans scrupules.

Revenge, en revanche, rajoute mille thèmes à la mode : le ter­ro­risme, les mar­chés finan­ciers et les délits d’i­ni­tié qui les font tour­ner, les for­tunes-flash de l’in­for­ma­tique qui n’ont fina­le­ment rien de com­mun avec les mil­lion­naires par héri­tage indus­triel, les rap­ports au père (exa­mi­nés sous l’angle de l’or­phe­line ven­ge­resse, du fils pro­digue, de la fille hon­teuse…), la lutte des classes ou plus exac­te­ment le rap­port entre bour­geoi­sie et classe moyenne, la pseu­do-cha­ri­té des riches cyniques, les rap­ports entre amour et argent, et même les rela­tions entre « fils de » et bour­siers dans les facs américaines.

L’ensemble est donc très moderne, y com­pris dans la forme nar­ra­tive avec une pro­gres­sion régu­lière d’é­pi­sode en épi­sode et des mini-« cliff­han­gers » dis­sé­mi­nés au fil de la saison.

Les acteurs font géné­ra­le­ment leur bou­lot, même si Sue Hellen, par­don, je vou­lais dire Madeleine Stowe, est sou­vent un peu trop inex­pres­sive et mal­gré les excès de Margarita Levieva (peut-être vou­lus, son per­son­nage n’é­tant pas le plus sub­til de la bande).

Mais l’in­té­rêt prin­ci­pal, c’est de suivre les esprits retors de tous ces fils de putes, chaque per­son­nage étant un arri­viste cynique et sans scru­pule, prêt à tout (y com­pris à tous les dégâts col­la­té­raux) pour arri­ver à ses fins. Les parents sacri­fient leurs enfants, les voi­sins mani­pulent leurs amis, tout le monde est prêt à poi­gnar­der tout le monde juste pour gagner un peu de pou­voir ; et si l’on prend par­ti pour la ven­ge­resse, c’est juste parce que c’est celle qui a une bonne rai­son d’en vou­loir aux autres.

Là-dedans, il n’y a fina­le­ment qu’un per­son­nage qui a un vague hon­neur, le bar­man de ser­vice, homme au labra­dor qui ne cherche pas à mani­pu­ler les autres et qui serait du genre à faire dans l’ac­tion concrète en allant construire des écoles en Haïti plu­tôt que dans la cha­ri­té mon­daine (l’ac­ti­vi­té essen­tielle des bour­geoises est d’or­ga­ni­ser des soi­rées de levées de fonds pour leurs actions cari­ta­tives). Logiquement, celui-là, il n’a pas fini de morfler.

Dans l’en­semble, Revenge pro­fite donc d’une réa­li­sa­tion soi­gnée, d’une écri­ture un peu lit­té­raire mais très réus­sie, d’un bonne ges­tion du rythme et d’une thé­ma­tique ignoble mais fas­ci­nante. Pas par­faite, la série est tout de même assez solide pour s’y intéresser.