Les adieux à la reine
|de Benoît Jacquot, 2011, ***
Sidonie aime Marie-Antoinette, reine de France. Inconditionnellement, fanatiquement. Marie-Antoinette, elle, ne voit en Sidonie que sa lectrice attitrée ; elle aime viscéralement Madame de Polignac, courtisane habile dotée de plus de beauté que de scrupules.
Mais ces atermoiements sentimentaux sont interrompus par un événement inattendu : le peuple a pris le dépôt des Invalides et s’est emparé des armes qu’il contenait. Ainsi équipé, il a marché et pris la prison d’État de la Bastille. La nouvelle fait son chemin à Versailles, bouleversant les courtisans… et la reine, qui veut emporter ses pierres et s’enfermer dans une forteresse.
Il n’y a pas vraiment d’histoire à raconter dans Les adieux à la reine. C’est un film de personnalités — et en particulier, des trois femmes qui dominent le casting —, d’ambiances, de relations humaines et d’angoisses. C’est une fin de règne, assez littéralement, d’où chacun tente de se sortir ; en trois jours, la plupart des courtisans désertent, certains militaires aussi, les domestiques quittent le service de leurs maîtres en emportant la bijouterie…
Passée une mise en place un peu brouillonne et mollassonne, le film commence en fait avec l’annonce de la prise de la Bastille, qui provoquera la révélation des angoisses et des dépendances de chacun. L’ambiance est servie par un montage un lent et désespéré et, surtout, une photo sublime, dont chaque plan est travaillé tant en termes de composition que d’éclairage. La construction des personnages joue aussi beaucoup, les réactions différentes de Mme de Polignac (arriviste usant de son pouvoir sur la reine), Maire-Antoinette (femme instable et éperdue, paniquée à l’idée de perdre la précédente) et Sidonie (oie blanche vivant par procuration, paniquée à l’idée de perdre la précédente) étant révélatrices du sauve-qui-peut en cours.
Il y a du bon et du moins bon à dire sur chaque actrice. Virginie Ledoyen est très bien en snob hautaine, mais a tendance à en faire un poil trop dans les dernières minutes ; Diane Kruger est parfaite sur le registre royal, mais peine un peu sur les crises de nerfs ; Léa Seydoux est confondante en fidèle amoureuse, mais ne semble pas très à l’aise dans les premières scènes. Dans l’ensemble, cela reste du pinaillage et on peut considérer que les acteurs font en général du très bon boulot.
Reste un reproche que je fais rarement : les deux scènes de nu, permettant de mettre en avant les physiques de Ledoyen et Seydoux, m’ont paru particulièrement gratuites et sans autre intérêt que d’attirer l’œil du spectateur. Ça n’a rien à voir avec les récentes expositions de Shame, qui ont beaucoup fait parler, mais qui avaient l’intérêt de participer au caractère des personnages.
Si l’on résume, c’est très bien réalisé, superbement filmé, fort en ambiance et très bien joué. Mais la superbe construction des personnages n’arrive pas tout à fait à compenser la légèreté du scénario.