Underworld : nouvelle ère
|de Måns Mårlind et Björn Stein, 2012, O
Pour unifier l’espèce humaine, il faudra proposer un ennemi commun plus puissant qu’aucun groupe humain, paraît-il. Et bien, avec les lycans et les vampires, l’humanité trouve cet ennemi : et, unis, les humains réduisent rapidement les non-humains à presque rien. C’est là, une dizaine d’années plus tard, que l’on retrouve l’héroïne des Underworld, qui s’évade d’un labo pour aller tataner du lycan… et de l’humain, du coup.
Disons-le tout de go : Nouvelle ère est une merde. Un vrai beau nanard, vous savez, de ceux qui deviennent hilarants tellement ils sont nuls.
Ça commence avec les acteurs : Beckinsale a à peu près une expression, celle de la guerrière-farouche-et-implacable, qu’elle conserve tout au long du film, y compris dans les discussions philosophiques avec sa fille (désolé pour le spoiler, mais franchement, on s’en fout). Rea a décidé qu’il y avait des trucs qu’il faisait pour manger, genre ça, et qu’il allait pas s’y fatiguer le visage à essayer de jouer un vrai rôle comme dans V pour vendetta ou Michael Collins. Ealy joue le flic avec tellement de conviction qu’on l’entend presque dire « regardez comme je fais bien le flic » (ah, son « Detective SeBAAstian » avec roulement d’épaules et tout le tremblement, on s’en souviendra longtemps), James ne sert à rien et Eisley, quoiqu’étant manifestement celle qui se donne le plus de mal (premier film au cinéma, elle a dû vouloir montrer des choses), n’a très précisément aucune personnalité. Bref, des acteurs totalement démotivés laissés en roue libre, c’est toujours fun.
Côté scénario, on a également des moments sublimes. À chaque ouverture de scène, on sent venir une connerie et on se dit « non, ils vont pas oser ? » Et puis, ça se passe pile comme ça. Exemple : les retrouvailles entre Beckinsale et Eisley, quand la première commence à expliquer qu’il s’est passé douze ans entre hier soir et ce matin. On se dit « bon, elle va dire une connerie, mais ils vont pas oser un truc comme quoi elle a du cœur ? » et on entend : « My heart is not cold, it’s broken ». Et la sublime scène de la réanimation de James, où son père et Beckinsale philosophent pendant trois minutes sur pourquoi qu’il est mort avant qu’elle plonge la main dans son estomac pour lui faire un massage cardiaque ? Et le lycan qui est trop large pour passer une porte de face, qui commence à démolir le chambranle au lieu d’essayer de mettre les épaules en travers ???
Wiseman prouve ainsi avec obstination que son nom est mal choisi, enchaînant les scènes pourries et les dialogues à côté de leurs pompes avec une constance qui force l’admiration. En fait, il a repris les pires scènes de Resident evil, les a assemblées avec les passages les plus dénués de sens des précédents Underworld, et il a servi chaud.
Et la réalisation ? Ah ben une chose est sûre : y’a pas de temps mort. Ça court d’un bout à l’autre du film, tournoyant au fil des ralentis matrixiens, sans jamais se poser une seconde — c’est vrai que ça risquerait de laisser le temps de réfléchir au scénario. Heureusement, Beckinsale a sa combinaison de plongée, parce que vu comme elle cavale, vampire ou pas, elle finirait couverte de sueur. Bon, le petit problème, c’est qu’à part les explosions qui pètent, les voitures qui se retournent, les lycans en carton qui mordent et qui griffent, les vampires qui décapitent, et ben y’a rien. Y’a pas un plan digne de ce nom, la caméra se balade au hasard de scènes illisibles et les décors en polystyrène font pas très crédibles quand l’héroïne est projetée sur un rocher / mur / pilier (oui, après une heure et demie de film, elle a toujours pas compris que quand elle attaque un lycan de face, il lui fout une baffe et elle vole jusqu’à l’obstacle dur le plus proche).
Et la stéréoscopie ? Ben là, je suis mort de rire : j’ai passé le film à me dire que la conversion était vraiment pourrie. Mais non, c’est pas de la conversion : Nouvelle ère a été filmé en stéréoscopie avec des 3ality Atom, un système analogue à la célèbre Pace Fusion mais basé sur des caméras numériques Red Epic. Donc, je sais pas ce qu’ils ont branlé, mais il y a clairement deux cas : les scènes où la stéréo est inutile et celles où elle est exagérée et franchement nuisible. (En fait, j’ai une piste pour savoir ce qu’ils ont branlé : je soupçonne qu’ils ont augmenté l’entre-axe des Epic pour augmenter l’effet de profondeur, c’est ce qu’on fait d’habitude quand on veut avoir un surgissement particulièrement marqué comme dans quelques scènes de Resident evil : afterlife.) L’exemple flagrant est celui où les lycans évacuent le labo où ils sont en train d’opérer la petite : le brancard passe de deux mètres de long lorsqu’il est en travers à trois ou quatre mètres quand il est dans l’axe des caméras. C’est tout simplement gerbant, mais au deuxième degré cette géométrie variable fait pleurer de rire.
Graham Clark n’est pourtant pas un débutant en stéréoscopie : il s’est occupé de ça sur les derniers Marvel (Captain America, Thor, Green hornet) entre autres. Et ce dernier avait la meilleure conversion stéréoscopique que j’aie vue. Alors, comment a‑t-il pu passer à côté d’effets aussi ridicules ? J’ai une hypothèse psychologique : n’ayant bossé jusque là que sur des conversions limitées (hormis sur Jackass il est vrai), il a dû se dire « chouette, j’ai des vraies caméras, je peux pousser les effets aussi loin que je veux sans qu’on voie que c’est de l’ordinateur ». Ben désolé, Graham, c’est pourri quand même.
Passons maintenant au défi ultime de toute critique de cet Underworld : nouvelle ère : trouver quelque chose à sauver. Allez, si : le premier combat contre les humains en sortant du labo, avec la très belle fracture ouverte de l’ulna. Très amusant. Voilà.