The kids are all right

de Lisa Cholodenko, 2010, ****

À pre­mière vue, c’est une énième tra­gi-comé­die sur l’ho­mo­sexua­li­té, où deux ados éle­vés par un couple de femmes retrouvent leur père bio­lo­gique, vingt ans après que celui-ci a don­né son sperme à une banque anonyme.

Sauf que mine de rien, ça va beau­coup plus loin, au point que l’ho­mo­sexua­li­té devient tota­le­ment secon­daire dans cette affaire et que la même his­toire pour­rait presque fonc­tion­ner avec un couple hété­ro. Presque, parce que tout de même, le fait que les deux enfants aient été por­tés cha­cun par une mère a une importance.

Donc, fina­le­ment, c’est plus l’his­toire du départ de l’aî­née et de la confron­ta­tion des parents avec leur cin­quan­taine, leur vie rou­ti­nière, leurs frus­tra­tions et leurs doutes de couple et d’in­di­vi­dus, tout ça. Certes, il y a le petit frère, qui res­te­ra là, mais le départ de l’aî­née est un petit bou­le­ver­se­ment, auquel s’a­joute l’ar­ri­vée du père biologique.

Arrogant, égo­cen­trique, cou­reur de jupons, bien bar­ré aus­si, celui-ci est fait pour s’en­tendre avec sa fille, sage et un peu coin­cée : il res­semble un peu à la meilleure amie de celle-ci, délu­rée et rendre-dedans. Curieusement, le cou­rant passe éga­le­ment avec le fils, qui est à l’o­ri­gine de la recherche de pater­ni­té et atten­dait peut-être un peu trop de cette ren­contre, et… la mère numé­ro 2. Logiquement, c’est donc éga­le­ment sa concur­rence avec la mère numé­ro 1 qui devient le centre de l’his­toire : concur­rence paren­tale lors­qu’il entre dans la vie des enfants, concur­rence amou­reuse lors­qu’il ne laisse pas indif­fé­rente l’autre mère, concur­rence ter­ri­to­riale même lorsque celle-ci, pay­sa­giste, passe ses jour­nées chez lui pour refaire son jardin.

Il convient ici de sou­li­gner l’ex­tra­or­di­naire pres­ta­tion d’Annette Bening, qui reprend ici un rôle dur et dis­tant qui lui avait valu une nomi­na­tion aux Oscars dans le meilleur film de tous les temps : gla­çante, ter­ri­fiante par moments, elle peut éga­le­ment s’ef­fon­drer lorsque son besoin de contrô­ler se heurte aux hési­ta­tions de sa femme ou aux besoins liber­taires de sa fille. Ce sujet est éga­le­ment admi­ra­ble­ment por­té par Mia Wasikowska, qui a enfin obte­nu le droit de jouer un vrai per­son­nage après avoir inter­pré­té une pathé­ti­que­ment pâle Alice dans le plus mau­vais Burton : c’est fina­le­ment, mal­gré les points de départs mul­tiples, sur ce duo de femmes que fonc­tionne le film.

Finalement, si vous comp­tez bien, de la confiance du couple à l’é­man­ci­pa­tion des ados en pas­sant la décou­verte d’un géni­teur, les sujets trai­tés sont nom­breux et pas tou­jours évi­dents. Il en est un pour­tant qui manque à l’ap­pel : l’é­du­ca­tion des enfants par un couple homo. Et c’est là la très grande force de The kids are all right¹ : fina­le­ment, que les mères soient les­biennes, on s’en fout un peu. Ce n’est pas ça qui les défi­nit en tant que mères, ce n’est pas par rap­port à ça que se construisent leurs gosses, et s’il est impor­tant de noter que ceux-ci vont bien, ce n’est pas parce qu’ils sont éle­vés par un couple fémi­nin mais parce qu’ils sont dans une situa­tion bâtarde, entre un père reve­nant et un couple à la croi­sée des che­mins, à la veille de leur pre­mière grande sépa­ra­tion depuis leur nais­sance — oui, la fac aux États-Unis, c’est sou­vent à plu­sieurs mil­liers de bornes.

Finalement, s’il faut trou­ver une fai­blesse, c’est sans doute Mark Ruffalo, qui en fait sou­vent un poil trop dans son rôle de play-boy sur le retour.

Dommage, parce qu’à côté de ça, c’est vrai­ment puis­sant, bien réa­li­sé, super­be­ment écrit et inter­pré­té, et ça mérite vrai­ment d’être vu.

¹ Encore une fois, j’ai une vague envie d’é­tri­per un tra­duc­teur : en France, le film a été sur-titré « Tout va bien », contre­sens évident puisque jus­te­ment le titre ori­gi­nal sous-entend que dans le lot, quelque chose ne va pas for­cé­ment bien.