La conquête de l’Ouest
|de Henry Hathaway, George Marshall et John Ford, 1962, ****
Las de creuser la terre, Zebulon Prescott mène sa famille vers l’ouest des États-Unis, en passant par les rivières du nord. Lorsqu’il est emporté par un rapide avec sa femme, la famille éclate : l’une de leurs filles reste sur place avec un trappeur, l’autre retourne vers Saint Louis, d’où elle tentera de rejoindre la Californie dans un convoi de chariots.
Quelques années plus tard, le fils de la première rejoint l’armée unioniste dans la guerre de Sécession. À la fin de celle-ci, il assurera la sécurité de la construction du chemin de fer transcontinental, avant de finir shérif en Arizona.
Trois réalisateurs pour une narration en cinq étapes, sur quarante ans, de la grande épopée du western. 2 h 42 de film, à une époque où le standard tournait autour de 1 h 40. Et une audace technique jamais revue — La conquête de l’Ouest est l’un des deux seuls films tourné en Cinerama, associant trois caméras 35 mm synchronisées pour élargir le champ visé sans souffrir des problèmes de réduction du format du CinemaScope.1
Comment dire ça simplement ? Ça a un côté grandiose. Et beaucoup moins neuneu qu’on pourrait le croire quand on connaît certains westerns de l’époque : dans La conquête de l’Ouest, les Indiens ne sont pas des crétins vindicatifs, mais des types qui ont la faiblesse de croire les promesses que leur gouvernement leur fait, qui se font entuber dans la foulée et n’ont pas d’autre choix que de se défendre. Les soldats ne sont pas des héros sans faiblesse, mais des gosses naïfs attirés par des rêves de gloire et rêvant de déserter une fois ceux-ci démolis par la réalité.
Bon, c’est pas forcément une ode à la différence ou au pacifisme total, hein. Mais on y trouve quelques traces de prises de recul qui, quelques décennies plus tard, permettront à Danse avec les loups ou Impitoyable de voir le jour.
On remarquera aussi la qualité de la prise de vue, récemment restaurée sur 35 mm CinemaScope. Certains plans sont tout simplement magnifiques, mettant en valeur aussi bien les grands espaces de l’Ouest sauvage — dans lequel on apprendra assez vite que, fondamentalement, l’homme blanc est un destructeur pas à sa place — que les scènes d’actions les plus variées. Bien entendu, la jointure des trois pellicules est visible, notamment lorsqu’une ligne droite traverse l’écran — les plans finaux sur le Golden Gate sont particulièrement exemplaires —, mais les réalisateurs en ont tenu compte en adoptant régulièrement des compositions en triptyques assez inhabituelles, mais très réussies, qui donnent au film une vraie touche personnelle.
Après, les esprits chagrins peuvent déplorer des scènes parfois un peu surjouées, comme le premier combat où seule la première baffe, placée si ma mémoire est bonne par Carroll Baker, paraît vraie. Il peuvent aussi critiquer une narration légèrement inconstante, John Ford et George Marshall ayant fait un boulot absolument formidable tandis que Henry Hathaway a laissé quelques petits coups de mou dans Les plaines et Les hors-la-loi.
Mais ça reste vraiment un très grand film, qui mérite totalement d’être vu sur grand écran.