Fantastique maître Renard¹
|de Wes Anderson, 2007, **
Monsieur Renard, comme tous les renards, est voleur, même s’il a essayé de se ranger. Il décide d’embarquer Kylie, un opossum, pour chouraver poules, oies, pommes et cidre, dans un dernier gros coup contre les trois fermiers vivant autour de son arbre (oui, il habite une maison creusée dans la base d’un arbre). Lesdits fermiers s’énervent, tentent de l’abattre, puis de le déterrer ; avec sa femme, son fils et son neveu, il creuse pour rester hors de portée des pelleteuses…
Premier point discutable : le choix de l’animation image par image à l’aide de figurines. Saccades est le premier mot qui vient à l’esprit, ce qui n’est pas très agréable.
Deuxième point discutable : le classicisme de l’histoire. Renard est le gentil voleur, hâbleur et précieux, une sorte d’Arsène Lupin toujours tiré à quatre épingles ; son fils est frustré et jaloux, sa femme rangée et discrète… Du coup, c’est finalement extrêmement moral : les gentils animaux ridiculisent les méchants fermiers et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes souterrains possibles.
Hors contexte, c’est donc vaguement niaiseux, mais ça ne mange pas de pain.
Cependant, on ne peut ignorer le contexte, qui va pleinement justifier tout démolissage de cette œuvre. Fantastique Maître Renard est un roman de Roald Dahl, et est comme toute l’œuvre de Roald Dahl à la limite de la moralité — si certains ont comparé Joanne Rowling au vénérable Gallo-Norvégien, c’est notamment pour ce « certain mépris pour les règles » qu’Albus attribuait à Harry.
Maître Renard est, fondamentalement, un voleur de poules ; c’est son moyen de subsistance. Comme les parents de Charlie (vous connaissez Charlie ? Il a visité une chocolaterie…), Renard vit sa vie comme il le peut, et on peut y voir un certain encouragement à remettre en cause une société inégalitaire où les trois fermiers sont gras et riches tandis que les animaux sauvages vivent dans la crainte et la disette. Dans le film, Renard devient un parvenu oisif vivant dans un arbre, et ce n’est que par désœuvrement qu’il met au point son dernier coup : voilà qui ruine singulièrement un aspect fondamental de l’histoire.
En outre, il n’était nul besoin de lui coller un renardeau autiste en guise de famille, sans même aller jusqu’à se demander à quoi sert l’opossum (à moins que ce soit un hommage à L’âge de glace 2 : la débâcle ?).
Bref, en adaptant cette œuvre, Wes Andersen est à mon humble avis passé à côté de tout ce qui en fait le sel. Il a outrageusement américanisé son personnage pour le rapprocher de la middle class, qui est aux études de marché américaines ce que la ménagère de moins de cinquante ans est à nos sondages publicitaires, et n’a gardé que les éléments les plus grossiers d’un roman beaucoup trop fin.
Il est rare que je critique une adaptation en tant que telle. J’ai tendance à mettre un point d’honneur à considérer par exemple les Harry Potter indépendamment des livres, n’étant pas choqué de voir Dobby céder la place à Neville (pour prendre un exemple emblématique qui a fait hurler à la trahison nombre de puristes). Je n’attends pas d’un film qu’il respecte à la lettre le livre dont il est tiré, et j’aime même y voir la patte d’un nouvel auteur, une nouvelle réinterprétation d’une histoire ancienne — comme Kaamelott n’est pas parfaitement fidèle à Chrétien de Troyes, par exemple.
Mais il faut savoir choisir. Soit l’on parodie, l’on recrée de A à Z (cas de Kaamelott), soit l’on reste fidèle à l’esprit original, et il faut retrouver tonalité et thématiques. Ici, c’est tout un pan de l’œuvre qui s’est perdu en chemin, sans qu’on ait créé une œuvre nouvelle. Bref, c’est juste à côté de ses pompes.
¹ Je propose que l’on abatte sans sommation les traducteurs qui conchient le travail de leurs prédécesseurs : ce film est distribué en France sous le titre Fantastic Mr. Fox, c’est-à-dire le titre original, alors que le livre éponyme a été traduit en tant que Fantastique Maître Renard. C’est d’autant plus con qu’il n’y a pas de raison de ne pas l’avoir récupéré, la traduction étant assez bateau — on n’est pas dans le cadre d’une traduction elle-même sujette à discussion, comme Starship troopers devenu Étoiles, garde-à-vous ! en français mais dont l’adaptateur cinématographique n’a pas souhaité reprendre cette première traduction.