Esther
|de Jaume Collet-Serra, 2009, ****
Kate et John sont riches, roulent en Lexus, communiquent sur Apple, ont un fils d’une dizaine d’années et une fille muette d’environ six ans. Ils ont tout pour être heureux, si ce n’était pour ce petit détail : Kate a perdu une deuxième fille et son utérus à quelques jours de l’accouchement prévu, et sort d’une phase d’alcoolisme aigu. Ne pouvant plus avoir d’enfants, Kate et John décident d’adopter, et leur choix se porte sur Esther, 9 ans, brillante, vaguement paria, extrêmement mure et étonnamment à cheval sur son habillement — pas question de lui faire renoncer à sa tenue de poupée de porcelaine ou à son collier de tissu…
Biens sûr, comme dans tous les films de ce style (entre thriller et horreur), on mise sur une montée progressive du « truc qui cloche ». Esther est étrange, vaguement inquiétante pour une famille trop parfaite — imaginez Mercredi Addams adoptée par les Camden, vous aurez une idée du truc. Une esthétique soignée et vaguement rétro fait aussi partie des impératifs stylistiques du genre. Mais là, on dynamite soigneusement certains clichés après les avoir poussés en avant, un peu à la manière de ce que peut faire le génial quoique fort long générique de Dexter, permettant de s’offrir une originalité qui n’était pas gagnée.
Au final, les scènes gores sont bien gores, renforcées par l’élégance vaguement désuette des scènes non gores. L’élément perturbateur est une adorable fillette de neuf ans, retorse, manipulatrice et épouvantablement adulte, et la construction générale fait penser à certains petits trucs horrifiques suédois (vous savez ce que je pense de ce que j’ai vu du cinéma suédois).
On retombe, bien sûr, dans le cliché américain avec l’explication finale sur Esther, dont je ne dévoilerai rien de plus, mais que l’on peut résolument ignorer : elle ne dure qu’une minute et n’apporte rien, se contentant d’atténuer précisément le côté dérangeant qui fait tout l’attrait du film.
Reste un petit bijou à la croisée des chemins, pas vraiment film d’horreur, pas tout à fait polar, beaucoup thriller psychologique et pas du tout — mais alors, pas du tout ! — comédie romantique.