Alice’s restaurant
|de Arthur Penn, d’après Arlo Guthrie, 1969, ****
Fin des années 60. Arlo, musicien folk d’à peine vingt ans, se trouve une fac de musique pour éviter la mobilisation pour le Viêt-Nam. Sa tendance naturelle à jouer de la country quand on lui met du Brahms sous les yeux le fait rapidement repérer et mettre à la porte (« J’ai toujours eu un don pour attirer les compliments »). Dans l’expectative concernant l’armée, il trace sa route, tentant de retrouver un pote chevelu qui s’est fait jeter d’une ville après avoir cherché des crosses à de « bons citoyens ». Il rentre à New York voir son père, Woody, légende vivante de la country, en train de crever de la Chorée de Huntington (« Une sorte de blessure de guerre ? — Non, ce n’est pas cette Corée-là. »).
Il finit par retrouver Alice et Ray, de vieux amis qui ont acheté une église et ouvert un restaurant. Alice, c’est un peu la Jeanne de Brassens, dont la table est ouverte à tous, toujours heureuse de voir ses loosers de beatniks débarquer sans un rond et se poser le temps de reprendre des forces, et qui a quasiment adopté Shelly, un junkie qui tente de décrocher… Mais elle finira par admettre, épuisée : « je suis comme une chienne qui se rend compte qu’elle a eu trop de chiots ».
Dans cette église où passent tout un tas d’individus, les déchets s’entassent ; Arlo et un copain décident de débarrasser un peu, « parce que c’est un geste sympa pour des amis », entassant une demi-tonne de bordel irrécupérable dans son Combi rouge. La décharge fermée, ils finissent par balancer leur stock sur une décharge sauvage… d’où les flics du coin s’empresseront de les identifier et de les appeler. « Et là, il avait une ou deux solutions : la première, c’était nous remettre une médaille pour avoir été courageux et honnêtes au téléphone, mais honnêtement, on y croyait pas trop…»
Plein d’humour, de petits et de grands drames, d’anecdotes piquantes, Alice’s restaurant est l’adaptation d’une chanson autobiographique d’Arlo Guthrie — qui joue son propre rôle dans le film. Dans la lignée du protest-song, avec un tour peut-être un peu plus humoristique, c’est un excellent film où, paradoxalement, la musique n’est pas envahissante (quand on sait qu’Arlo, mais aussi des gens comme Pete Seeger jouent dedans), et si l’on apprécie un bon morceau de folk de temps à autre, l’ensemble reste particulièrement digeste. Mais au-delà de l’anecdote, ce film est une peinture d’une époque, un peu à la manière d’un Woodstock (de Michael Wadleigh, 1970) ou d’un Presque célèbre (de Cameron Crowe, 2000).
Il est aussi une sorte de documentaire du beatnik, qui, à coté de Easy rider (Dennis Hopper, 1968) ou Sur la route (Jack Kerouac, 1957), brosse un portrait finalement assez mélancolique de ce courant libertaire, anti-militariste et contestataire des années 50–60.
Un excellent résumé du film, pour les anglophones, c’est de lire la chanson.