Zombillénium
|d’Arthur de Pins et Alexis Ducord, 2017, ****
C’est la triste histoire d’un être cruel, froid et démoniaque : un contrôleur des normes de sécurité. Menant une inspection-surprise dans le parc d’attractions Zombillénium, il découvre dans le sous-sol une machinerie infernale et, dans la foulée, se fait mordre par le directeur du parc et un de ses employés. Le voilà donc transformé en… En quoi au fait ? En vampire ? En loup-garou ? En autre chose ? En tout cas en créature démoniaque, condamnée à servir le parc ou à rôtir en enfer.
J’avoue : pour moi, Arthur de Pins, c’est avant tout l’auteur de Péchés mignons. Zombillénium, la bande dessinée, a certes une tonalité fort différente (on n’écrit pas les mêmes choses pour Spirou et pour Fluide glacial), mais je restais un peu surpris de lire le petit panneau « à partir de six ans » alors que, dans mon souvenir, ça s’adressait plutôt à un public ado-adulte. La tendance française à voir dans tout film d’animation une œuvre nécessairement pour enfants a fait le reste, et on devait être trois sans gosse dans une salle bondée.
Et bien, ça marche.
Je l’ai souvent dit : un bon film pour enfants, c’est celui qui propose suffisamment de niveaux de lecture pour que les accompagnateurs adultes y trouvent leur compte. Et bien quelque part, Zombillénium, le film, est un bon film pour adultes : il propose un niveau de lecture suffisamment léger et entraînant pour que les gamins en sortent ravis, alors que c’est fondamentalement un film pour 12 ans et plus.
Sauf, bien sûr, si vos 6–12 ans se passionnent pour le monde du travail, le syndicalisme, la communication, le marketing, la direction d’entreprise et qu’ils adorent chercher les références, de Twilight aux morceaux de heavy metal en passant par la religion. Dans ce cas, le film est effectivement calibré pour eux ; mais dans ce cas, je dois vous informer que vos enfants sont des adultes et qu’un exorcisme s’impose.
Si le fond est un blues de l’entreprise agrémenté de conte initiatique pop, la forme est résolument rock’n’roll : graphisme moderne à la de Pins, bien sûr, mais surtout montage nerveux et alternance de séquences posées et de plans furieux à la façon d’un bon vieux Child in time. Le choix des personnages principaux a aussi son importance, le « héros » se faisant parfois voler la vedette par une petite sorcière un peu plus moderne que Kiki, une momie désabusée, un syndicaliste digne de Camera café et même un vampire littéralement brillant.
Enjoué et dramatique, ce mélo d’action offre finalement un équilibre idéal entre, d’une part, rebondissements gaguesques et mise en scène spectaculaire parfaits pour les enfants, et d’autre part fond sérieux et thématique moderne propres aux adultes. De quoi se demander si, plutôt que la énième comédie populaire que TF1 passera le 24 décembre, ça ne serait pas ça, le film familial par excellence.