Dalton Trumbo
|de Jay Roach, 2015, ****
Quel est le point commun entre Un nommé Joe (dont Always était un remake), Vacances romaines, Les clameurs se sont tues, Terreur au Texas et Spartacus ? L’auteur, un certain Dalton Trumbo, parfois via des prête-noms comme Ian McLellan Hunter ou Ben Perry, ou sous des pseudonymes comme Felix Lutzkendorf ou Robert Rich. Volonté de discrétion ? Pas vraiment : Trumbo est fier de son travail, il aime voir son nom sur l’affiche, et il a même un petit côté vaniteux.
Mais Trumbo a un problème.
Jusqu’au milieu de la Seconde guerre mondiale, être communiste, c’était être contre les discriminations, pour une certaines égalité sociale, pour la défense des travailleurs contre les abus des grands capitalistes. Du coup, Trumbo était communiste. Mais à la fin des années 40, être communiste, pour la Commission sur les activités anti-américaines domestiques, ça veut dire être un traître à la solde des soviétiques : Trumbo refuse de répondre à la question « êtes-vous ou avez-vous été membre du Parti communiste ? », passe un an en taule, et se voit interdit de travail à sa libération. Et voilà comment quelques-uns des films les plus marquants des années 50 ont été écrits sous pseudonyme — Trumbo n’était pas le seul : la moitié des scénaristes du Pont sur la rivière Kwaï étaient ainsi absents de l’affiche.

Sur le plan humain, ce biopic est plutôt honnête : Trumbo n’y est pas un chevalier blanc, mais un type brillant qui sait également être un gros con, un stakhanoviste qui n’hésite pas à utiliser et à mépriser sa famille pour son travail, et son ego est proportionnel à sa force de conviction. Bien entendu, la plupart des Dix d’Hollywood ont été fusionnés en un seul personnage pour simplifier le récit, évidemment, certains aspects du personnage sont tout de même très conformes au cliché du père de famille américain idéal ; mais le seul vrai problème historique est d’avoir passé sous silence le soutien de Trumbo à l’État soviétique.
Le film a en revanche une qualité indéniable : si l’histoire des communistes d’Hollywood est assez connue, si le maccarthysme reste aujourd’hui une référence extrêmement répandue, on se concentre souvent sur les cibles directes de cette répression absurde et on oublie généralement les victimes collatérales. Dalton Trumbo fait de la famille un personnage aussi important que son héros et présente l’impact de la liste noire dans l’ensemble des studios — bien que la MPAA ait été à la source de celle-ci, tous les producteurs n’étaient pas heureux de se passer de quelques bons auteurs.

Sur le plan technique, le film n’a rien de vraiment remarquable, ce qui n’est pas tout à fait une surprise (Jay Roach est surtout connu pour ses trois Austin Powers et les deux premiers Mon beau-père et moi). La direction d’acteurs est assez inégale et seul Helen Mirren sort vraiment du lot — à son habitude, serais-je tenté de dire.
Nous n’avons donc pas affaire à un chef-d’œuvre, mais Dalton Trumbo reste un biopic relativement honnête, plutôt bien écrit, tout à fait agréable et, surtout, très intéressant pour se rappeler que les régimes ouvertement autoritaires n’ont pas le monopole du délit d’opinion.