On a marché sur Bangkok
|nanar à une étoile d’Olivier Baroux, 2013
Vous le savez, les navets, c’est ma grande passion. Sans doute pour compenser le fait que j’ai jamais pu en avaler un sans avoir envie de vomir malgré plusieurs tentatives. Enfin, sauf peut-être dans le couscous, quand il avait mariné avec l’agneau et les merguez pendant deux heures et qu’il avait fini par perdre son goût infect, là ça pouvait passer sans plaisir mais sans douleur, mais je sens que je m’égare, j’étais là pour parler cinéma.
Donc, les navets, j’aime ça au point de ne rater aucun Michael Bay, c’est dire.
Avec On a marché sur Bangkok, Olivier Baroux réunit tous les ingrédients pour réussir un grand navet. Reprenons : on a un scénario sans queue ni tête qui repose sur un présupposé absolument ridicule (un reporter du niveau d’une caricature de Bonaldi meurt à deux doigts de révéler un des plus grands secrets de la NASA, il laisse ses notes à son acolyte taillé façon Fred Courant dans vingt ans et l’envoie sauver la vérité avec une jusqu’auboutiste limite psychopathe), un scénario donc qui cumule des rebondissements criants de réalisme (ah c’est son père, vraiment ?) et qui vous colle deux pralines de guimauve à l’occasion (oh là là ces enfants sont trop gnons tout ça tout ça). On ajoute un montage aux abonnés absents, qui s’essouffle paradoxalement dans la première partie, choppe un semblant de rythme au milieu avant de vous laisser finir votre sieste au moment où la plupart des films grimpent en tension. On saupoudre d’une dose de direction d’acteurs aléatoire, entre deux scènes à peu près potables et huit passages où Merad montre que si, on peut jouer plus mal que dans Safari. On ajoute un directeur de la photographie qui semble avoir laissé sa caméra en automatique pendant 91 minutes (y’a un plan potable à un moment, quand même) et des clins d’œil lourdingues à un autre film pas léger (mais réussi, lui).
Mais.
Mais On a marché sur Bangkok n’est pas un vrai gros nanar qui tache. Moi, ma passion, c’est le navet macéré dans une sauce au soja à la japonaise, vous savez, celui qu’à trois mètres il vous file déjà des hauts-le-cœur et que, quand vous voyez un de vos profs se fourrer ça dans le gosier, votre premier réflexe est d’appeler le Vatican pour un exorcisme, mais pardon, je sens que je m’égare à nouveau. Ici, on a un navet cuit à la vapeur, qui pique un peu la langue mais n’a finalement pas vraiment de goût.
Là où Michael Bay, Roland Emmerich ou Stephen Sommers élèvent le nanar au rang d’art, c’est qu’il y ajoutent une fierté, une puissance, une prétention, un patriotisme dégoulinant de premier degré qui rendent leurs films puants en plus d’être nuls.
Or, Kad et O n’ont jamais fait dans ce genre. Ils font dans le facile, dans le lourd, dans l’indigeste, bien sûr, mais on a envie de leur pardonner, comme on pardonne à un enfant de trois ans de faire des scénarios où une maman Playmobil en plastique orange convainc un tyrannosaure Jurassic Park en plastique vert de bouffer le navet de la dînette en plastique blanc. C’est niais, mais c’est ouvertement niais, c’est facile mais ça prétend pas être fin, c’est lourd mais ça ne fait pas semblant d’être léger.
Du coup, c’est tout con, mais on s’attend tellement à ce que ça soit nul qu’il suffit d’une paire de vannes sorties un peu naturellement (genre celle sur Florence Arthaud) pour faire sourire et, finalement, ne pas passer un si mauvais moment. Et voilà comment on arrive à ce paradoxe : une comédie pas drôle qui évite la bulle parce qu’elle est juste pas drôle, alors qu’on s’attendait à pleurer de rage.