Millenium : les hommes qui n’aimaient pas les femmes
|de David Fincher, 2011, ****
Un journaliste manipulé par une source et condamné pour diffamation. Une enquêtrice privée déclarée malade mentale et placée sous tutelle. Un capitaine d’industrie vieillissant hanté par la disparition de sa nièce dans les années 60… et sa famille, un lot de misanthropes vivant sur une île, qui se haïssent mais sont inextricablement liés par leurs intérêts financiers.
Ça vous dit quelque chose ? Oui, normal : c’est la deuxième adaptation du roman de Larsson, après celle d’Oplev. Je n’ai toujours pas lu le bouquin, mais j’étais curieux de voir comment Fincher s’en sortirait, même si franchement j’avais peu d’inquiétudes — Fincher est bon dans le polar et n’a peur ni du trash, ni des personnages noirs.
J’étais plus inquiet pour Rooney Mara : passer après Noomi Rapace, c’était s’assurer une inévitable comparaison avec une des plus impressionnantes compositions de ces dernières années. Disons-le tout de suite : si ça surprend au début, elle s’en sort avec les honneurs et devient rapidement bien plus qu’une copie. Je préfère toujours la Lisbeth suédoise, plus torturée et plus écorchée encore, mais cette version un peu plus retenue ne manque vraiment pas de qualités.
Dans l’ensemble, l’ambiance du film est noire à souhait, pesante, dure ; le deuxième rendez-vous de Lisbeth chez son tuteur est renversant et limite gerbant, confirmant que Fincher sait toujours frapper où ça fait mal, et cette famille de tarés d’industriels donne envie de tous les buter.
C’est donc particulièrement bien conté, superbement filmé, et peut-être plus rythmé aussi que la version d’Oplev.
Il y a pourtant une faiblesse : on a un gentil. Dans un film dont l’ambiance est glauque, terrible, et qui semble bâti sur le postulat que l’humain est pourri par nature, Mikael Blomkvist est un surprenant exemple de type sympa et honnête piégé par un vilain méchant. Ici, la version suédoise était beaucoup plus cohérente : si l’humanité est corrompue, le héros doit l’être aussi. Le problème est peut-être aussi lié au choix de l’acteur : pour talentueux qu’il soit, Craig a tout simplement une tronche trop droite, trop honnête, pour cet univers de menteurs, de manipulateurs et de traîtres.
Reste que cette version de Les hommes qui n’aimaient pas les femmes est hautement recommandable, subtilement différente de celle d’Oplev mais aussi agréable à regarder.