Robin des bois
|de Ridley Scott, 2010, **
Avec Sir Ridley, c’est quitte ou double. Thelma et Louise, c’est lui ; Le huitième passager, Mensonges d’État, La chute du faucon noir ou Blade runner aussi. De même par ailleurs que Gladiator et 1492, Christophe Colomb, deux pièces maîtresses de l’Histoire du nanar. Il a fait peu de trucs sympa mais sans plus, même s’il convient de citer À armes égales.
Et là, Ridley nous fait un gros remake de Gladiator. Les ingrédients sont les mêmes, on trouve le même genre de faiblesse — genre le type qui sort de nulle part et qui tient tête aux rois, les rois qui descendent dans l’arène pour se mesurer nez à nez avec le type précédent, les bons sentiments qui dégoulinent tout partout¹… — et la même grosse faiblesse à la limite de l’erreur : l’acteur principal, un certain Russell Crowe, qui a le charisme d’un canard en celluloïd et est par conséquent destiné à incarner les journalistes aigris plutôt que les meneurs d’hommes.
Ça partait pourtant bien : la rentrée de croisade de Richard Cœur de Lion, roi fatigué de dix ans de pillages et de massacres, est largement plus réaliste que le traditionnel retour du meneur juste et généreux gravé dans les images d’Épinal. Et Robin n’est pas un vaillant bras droit, mais un homme de troupe qui déserte à la première occasion et finit par se faire passer accidentellement pour noble. Cette première partie tourne vraiment bien, sans temps mort, et la mise en place de l’intrigue est une réussite.
Hélas, une fois arrivés en Angleterre, ça tourne très vite en eau de boudin, avec des retournements non seulement prévisibles, mais survolés — en particulier pour tout ce qui concerne Sir Loxley et Marianne. Ce ne sont pas les allusions extrêmement appuyées à la Magna carta qui arrangeront la sauce, surtout qu’elles sont l’occasion de ce qui doivent être les répliques les plus pathétiques jamais prononcées par Russell (« What we want is liberty. Liberty… By law ! », ah ah ah). Dommage : l’idée de lier Robin des bois et ce texte fondateur de l’égalité en droits, bien qu’ils soient généralement associés à des époques radicalement différentes de la vie de Jean (20 ans séparent le bref passage en Grande-Bretagne de Richard Cœur de lion et la révolte qui amena la Charte), est plutôt séduisante…
Les amateurs d’équitation seront également à la fête pour peu qu’ils aient l’esprit pinailleur. Parce que bon, voir des pur-sang anglais au XIIè siècle… Je veux bien à la limite que quelques chevaux plus fins et baraqués aient été rapportés des visites sur le continent, mais le cheval britannique d’alors serait plutôt l’ancêtre de l’Exmoor et du Dales, et l’on peut pronostiquer une taille d’environ 1,40 m et une robe plutôt ocre ou brune. Oui, ceux qu’on voit deux secondes, en faible nombre, au moment où les péquenots arrivent sur la plage, voilà. Quant à faire galoper en cheval à le forçant à s’encapuchonner à mort, il me semble bien que c’est une (détestable) habitude de la haute école espagnole au départ, et ça m’étonnerait qu’on ait joué à ça sur des chevaux de guerre anglais du XIIè.
Et puis bon, donner des coups d’épée devant soi, à plat, quand on charge à cheval, c’est d’un ridicule achevé. Si on doit jouer de l’épée en chargeant, il vaut beaucoup mieux frapper de taille avec un mouvement d’arrière en avant ; ou, si l’adversaire a un haubert, frapper d’estoc, mais toujours d’arrière en avant (l’idéal étant bien sûr d’avoir une lance) : ainsi, la vitesse de la monture s’additionne à celle de l’épée. On retrouve ici le Maximus attaquant glaive en avant et bouclier en position d’équilibrage qui a choqué les observateurs de Gladiator.
Au final, on retient de ce film que l’hydromel donne la pêche, et que Ridley et Calvin auraient dû en prendre une gorgée avant de tourner.
PS : ne ratez pas le résumé d’Allociné et retournez voir le 20 h de France 2 du 12 mai 2010. Vous y verrez une tendance absolument merdique de mes confrères : toujours tout ramener à un terrain connu. Dans les deux cas, on assiste à un tortillage en règle du synopsis visant à revenir au « prince des voleurs » : Robin déclaré hors-la-loi et vivant avec ses compères dans la forêt. Or, et c’est là la principale qualité du film : ce Robin des bois-ci s’intéresse à ce qui se passe avant que la tête de Robin soit mise à prix par Jean et le shérif de Nottingham. Du coup, France 2 nous présente des images de… la fin du film, tandis qu’Allocine raconte franchement une histoire totalement différente de celle de Ridley. RI-DI-CU-LE.
PS2 : bon, là, je me suis surtout attaché aux poins négatifs. Mais il prend quand même **, ce qui n’est pas si mal (j’avais mis O à Gladiator). En fait, y’a la première partie qui tourne bien, et y’a des détails que j’ai appréciés aussi : par exemple, c’est la première fois que je vois traitée la difficulté à porter, mettre et enlever une cotte de mailles… Du coup, les faiblesses notées plus haut sont d’autant plus malencontreuses.
¹ C’est bizarre, d’ailleurs, pour un mec qui a fait Blade runner, les androïdes rêvent-ils de moutons mécaniques ? et Mensonges d’État, de se sentir obligé de foutre des tonnes de morale chrétienne à la noix dès qu’il s’attaque au passé… Nos ancêtres seraient plus respectables que nous, et nous-mêmes plus que nos enfants ?