Invictus
|de Clint Eastwood, 2009, ***
Dans l’œuvre de Dieu, il y a des pièces majeures et des pièces mineures. D’un côté, des Honkytonk man, Impitoyable, Million dollar baby ou Gran Torino ; de l’autre, des Le maître de guerre, Sur la route de Madison, Space cow-boys, Mystic river ou Mémoires de nos pères. Notez que j’évite les erreurs de parcours comme Firefox, l’arme absolue : on parle de cinéma, ici.
Avec Invictus, Clint fournit une mineure. C’est solidement réalisé, les acteurs sont évidemment impeccables (y’a Morgan Freeman et Matt Damon), l’équilibre de l’œuvre est évident avec une pointe d’humour, de l’émotion, une tension progressive, tout ça… Mais il manque des petites choses. Nelson Mandela n’a par exemple pas de face B : on est plus près de l’hagiographie que du portrait, ce qui perturbe un peu de la part d’un type qui a pondu le très ambigu Impitoyable. Et l’on a un peu l’impression qu’il a confié au rugby le soin exclusif d’unir les Sud-Africains, ce qui a un relent de panem et circenses, sans le pain bien sûr.
Quant à l’histoire, même sans avoir suivi la coupe du monde de rugby 1995, vous n’aurez pas de surprise : c’est le scénario typique de ce genre de film, avec un final naïf qui rappellera les superbes déclarations sur une France « black-blanc-beur » de juillet 98. Et c’est donc au final terriblement peu original, ce qui fait de cet Invictus un film réussi mais lui interdit tout espoir de grandeur.
Au passage, juste pour le plaisir du pinaillage, lorsque Mandela entre sur le terrain pour la finale, il est entouré d’une nuée de photographes. Tous avec des beaux 200 et 300 mm blancs de chez Canon. À trois mètres pour du portrait, autant dire qu’ils font des gros plans d’oreilles. C’est d’autant plus bizarre que plus tard, on en voit photographier à la même distance avec des objectifs bien plus courts — sans doute des 35 mm. Je m’étonne qu’un maniaque de la photo comme Clint ait laissé passer un truc pareil.
PS : y’a quand même un truc passionnant dans Invictus, c’est qu’il propose un négatif de Dans la ligne de mire, succès de Wolfgang Petersen où Clint interprétait un agent chargé de protéger le président. Ici, la garde rapprochée de Mandela est un des éléments centraux du film, la problématique posée notamment par la sécurisation du stade étant un peu plus que survolée. Sauf qu’ici, ces préparatifs sont nécessaires, mais fondamentalement inutiles, le plus grave attentat subi étant un jet de canette de bière.
Ça reste un aspect totalement secondaire du film, mais ça fait partie des petits détails que j’ai vraiment appréciés.