Sex education
|de Laurie Nunn, 2019, ****
Avoir quinze ans et une mère sexothérapeute, est-ce facile à vivre ?
Non, bien sûr. D’ailleurs, Otis fait semblant de se masturber, parce que là comme ça, ça ne l’amuse pas des masses, mais qu’il sait que sa mère va y penser s’il ne salit pas quelques Kleenex de temps en temps et qu’elle va finir par lui poser des questions façon boulot.
Heureusement, s’intéresser au travail de sa mère pour anticiper et éviter les interrogatoires embarrassants lui a donné une autre capacité : comprendre et aider ses camarades, ceux qui ont ou voudraient avoir une vie sexuelle. Le voilà donc accidentellement propulsé sexothérapeute officieux du lycée, exerçant pendant les pauses dans des toilettes désaffectées.
Il est clair que la série repose sur des présupposés plutôt bancals — et encore, je n’ai pas parlé du copain gay, de l’asociale brillante, du fils du proviseur virtuellement castré par son hérédité, du sportif coaché par ses parents 24 heures sur 24 ou de l’aspirante écrivaine qui cherche désespérément un partenaire sexuel… La caricature est généreuse et chaque personnage présente un archétype aisément identifiable. Du coup, la mise en place s’oriente vers la comédie parodique à l’anglaise, légère et facile, avec un bon lot d’absurdités amusantes mais pas vraiment fines.
C’est par la suite que le propos s’approfondit un peu, en prenant certains stéréotypes à contre-courant et en introduisant des personnages plus « normaux » (comme le plombier et sa fille). Certains passages tirent carrément sur le sordide et pourraient rappeler aux plus vieux Les années collège, une des premières séries à parler ouvertement de violences entre adolescents, de gamins abandonnés, de grossesses de mineures et d’agressions homophobes.
Sex education parle ainsi d’espoirs, de désirs, d’envies, de contrôle de son propre corps, de consentement, de communication, ou encore de l’art d’assumer les espoirs, désirs et envies des autres, tout cela de manière étonnamment réaliste et franche. Elle évite intelligemment de juger ses personnages, sauf peut-être lorsqu’il faut rappeler que l’homophobie, c’est trop 20è siècle, ou mettre délicatement les anti-avortement face à leurs contradictions.
Le résultat est un peu paradoxal, pas exempt de maladresses et de clichés, mais aussi doué de sensibilité et d’une profondeur certaine. L’excellent casting (c’est dingue, il y avait donc deux très bons acteurs à la tête d’Aux frontières du réel ?!) parvient à faire passer les petits excès coupables et, à l’heure du bilan, la série s’avère entraînante, souvent drôle, parfois tragique et globalement tout à fait recommandable.