Transformers : the last knight
|de Michael Bay, 2017, *
Je suis très désappointé.
Imaginez un peu : j’arrive dans la salle, tout prêt à m’envoyer le cinquième navet d’une série qui a érigé le genre au rang d’art majeur.
Ça commence super bien, jugez un peu : on est au début du Moyen-Âge, Arthur et ses chevaliers mènent un combat désespéré contre les Saxons, Lancelot (ou Gauvin, je sais plus) râle que ce poivrot de Merlin est toujours à la bourre mais que ça changerait rien vu qu’il est bon à nib de toute façon. Oui, c’est Kaamelott mais en version Michael Bay, avec des trébuchets saxons qui envoient des boulets enflammés sur les braves soldats anglois pour faire des grosses explosions à la Michael Bay, et Arthur beau gosse, fort et sans peur qui dirige son armée avec style et courage façon Michael Bay.
Et pendant ce temps, le poivrot cavale dans la verdure jusqu’aux ruines d’une énorme tuyère de vaisseau spatial, d’où tout naturellement sortent des Transformers — parce que c’est connu, les portes des vaisseaux spatiaux donnent dans les tuyères. Merlin se fait bien plat, genre « j’ai rien dit à personne, mais j’aurais bien besoin d’un sort puissance 12 pour sauver l’Angleterre de ces hordes de sauvages assoiffés de sang ». Et là, les Transformers lui filent un bâton et s’assemblent en dragon pour venir détruire l’armée saxonne en deux temps trois mouvements. Ça pète de partout, c’est du Michael Bay, du grand spectacle sans aucun sens (surtout que du coup, on a du mal à comprendre comment les royaumes anglais plient face aux royaumes saxons quelques années plus tard).
Jusque là, tout va bien, c’est du grand Michael Bay.
Puis on arrive à l’époque moderne. Et là, patatras.
Les Transformers sont réfugiés sur terre, les humains leur font pas confiance (c’est curieux, ils n’ont pourtant détruit l’histoire du cinéma que quatre fois), du coup les autorités terriennes ont déclaré illégale la présence des robots et les chassent. Naufragés, terrés, poursuivis, les Transformers sont traités comme des Mexicains, et comme pour les Mexicains, seuls quelques justes tentent de les aider dans l’ombre.
Mince, une référence politique dans un film de Michael Bay. Et même pas dans le sens « achetons des F‑35 et tirons dans le tas ». Mais que se passe-t-il ?
Heureusement, pendant ce temps, Optimus fait sa balade spatiale à la recherche de Dieu, et tombe sur Déesse, qui lui retourne la tête parce qu’il n’a aucun esprit critique et l’envoie attaquer ses anciens amis.
Oui, comme un born-again américain, exactement. Mince, une référence religieuse dans un film de Michael Bay, et même pas du style « Dieu a donné cette terre promise aux Blancs pour créer cette grande nation ». Mais que se passe-t-il ?
Retour sur Terre, où un humain passe un deal avec des Decepticons pour foutre sur la gueule aux Transformers. Aucun rapport avec les Mexicains embauchés pour construire un mur le long du Rio Grande ou entrant dans la police aux frontières pour trente dollars de plus. Re-message politique, toujours pas « on a le plus beau pays du monde et on le protège des envahisseurs », re-mais que se passe-t-il ?
Bon, après, ça repart en couille, direction le Royaume-Uni, avec une bombasse de service baptisée Viviane — je vous laisse deviner de qui elle est la descendante. Non, ça n’a aucun sens, mais il fallait bien justifier d’avoir commencé avec la table ronde. La suite est une recherche du bâton de Merlin dans la plus pure tradition du Da Vinci code, autrement dit sans queue ni tête et avec des mystères en carton, avant de basculer dans Abyss sans la moindre tentative d’explication puis d’arriver à Stonehenge, qui n’est qu’un gros port USB permettant aux envahisseurs de vider la Terre. Enfin, la baston finale hésite entre Tortues Ninja 2 et Dr Strange, mais avec la subtile touche personnelle de Michael Bay, une petite délicatesse supplémentaire, des trucs qui pètent sans raison, des rebondissements ridicules, je sais pas.
Croyez pas que je vous aie spoilé le film : on peut pas spoiler une seconde moitié de scénario aussi décousue. En fait, Michael passe d’une scène et même d’un univers à l’autre sans jamais ne serait-ce que tenter de justifier ses sauts du coq à l’âne. À ce niveau-là, comme côté réalisation, on est dans la droite lignée des précédents Transformers : c’est de la bouse en barre, aussi subtile que des gamins de trois ans jouant avec des Transformers ou des chimpanzés se jetant leurs fèces à la figure.
Mais il y a ce problème de second niveau de lecture dans la première partie. Ce message sur les Mexicains qu’on ne devrait peut-être pas traiter comme des animaux nuisibles, cette touche sur la religion qui ne devrait pas aveugler toute humanité.
Soyons clair : quand on va voir un Michael Bay, c’est pour voir de la grosse bouse liquide. Quand il commence à y avoir une once de réflexion dedans, c’est un problème. C’est comme si Michael Bay tentait de faire du cinéma — vous me direz, c’est pas la première fois, mais putain, pas dans un Transformers !
Bien entendu, les fondamentaux de la franchise, qui est habituellement la quintessence du style Michael Bay, sont bien présents, de l’absence de scénario aux explosions gratuites. Mais on ne peut pas totalement qualifier Transformers : the last knight de navet absolu : il y a des passages presque intelligents. Et ça, quelque part, c’est une déception.