Timeless
|d’Eric Kripke et Shawn Ryan, 2016, ***
Je sais ce que vous allez dire : « encore une série avec des méchants qui veulent changer l’Histoire et des gentils qui les en empêchent ? »
Et bien oui, encore.
Mais si l’idée générale n’était déjà pas neuve quand Pierre Christin a créé Valérian, Timeless arrive à se distinguer sur les détails. D’abord, histoire de séduire tout de suite les gens dans mon genre, le premier épisode nous emmène à Lakehurst, le 6 mai 1937 : les méchants veulent empêcher l’explosion du Hindenburg et les gentils veulent s’assurer que les 36 victimes meurent bien comme il faut.
Ensuite, contrairement aux récits habituels sur le sujet, les gentils ne réussissent quasiment jamais à préserver l’Histoire telle qu’on la connaît. Il y a toujours des petits détails qui changent, répercutés jusqu’à l’ère moderne avec des conséquences variables — pour commencer, la mère de l’héroïne ne s’est jamais mariée et sa sœur cadette n’existe donc pas. Les héros se retrouvent donc à chaque fois dans une époque moderne légèrement différente de la nôtre, avec des petits détails modifiés, et c’est plutôt bien fait.
C’est en fait un symptôme du soin réel apporté à l’Histoire : les reconstitutions de costumes, de lieux, de mœurs même sont plutôt réussies et les passages d’une époque à l’autre mettent bien en valeur certains points importants de la construction des États-Uni, comme le fait que le pilote Noir n’est finalement guère mieux traité dans la Floride des années 1960 que dans le Texas des années 1860. En passant, la grande et la petite histoire se croisent, revisitant des événements aussi célèbres que la prise d’Alamo, l’assassinat de Lincoln, le scandale du Watergate, la mission Apollo 11 ou encore l’arrivée de Lindbergh au Bourget ; revisitant également des moments aussi oubliés que la trahison de Benedict Arnold ou la naissance du concept de « tueur en série » grâce à Henry Holmes ; revisitant enfin des histoires que l’on a tellement romancées qu’on a parfois oublié qu’elles se basaient sur des événements historiques — Bonnie et Clyde, par exemple. Sans être parfaitement irréprochable, la série profite de reconstitutions franchement réussies qui pourront séduire tous les passionnés d’histoire.
Hélas, car il faut bien un « hélas », tout n’est pas parfait. Outre un casting parfois un peu inégal, la série souffre d’un fil rouge cousu de fil blanc (et vous savez comme j’aime le rose). Les histoires de Terrible Complot Mondial, c’est bien pour expliquer pourquoi Lanfeust Mag arrive toujours en retard, mais ça devient vite un peu lassant dans les séries télé. Or, depuis quelques années, on frise l’overdose de héros aux prises avec une vilaine conspiration/corporation. J’ai commencé à trouver ça lassant avec Orphan black, excellente mais qui devait déjà être la quinzième à utiliser ce ressort depuis Aux frontières du réel, et au fil du temps je n’en peux plus de ces « on nous ment, on nous manipule » permanents.
Je vais la faire simple : le voyage dans le temps, s’il est inventé, a de bonnes raisons de rester un secret, et j’admets sans problème que la CIA, la NSA et compagnie fassent taire ceux qui voudraient en parler. Mais il n’y a rien ici qui justifie d’inventer une société secrète façon Illuminatis, francs-maçons ou autres, qui dirigerait le monde en tissant dans l’ombre des desseins mystérieux. Rien, sinon la fainéantise de scénaristes qui y ont trouvé un prétexte facile pour lier des épisodes sans devoir se justifier. Les audiences de la série ont diminué à mesure que cette intrigue prenait le pas sur l’Histoire, j’ai tendance à croire que ça n’est pas un hasard.
Le résultat est agréable, prenant, les premiers épisodes sont même enthousiasmants et arrivent à rafraîchir un genre qui ne manque pourtant pas d’œuvres de qualité. La seconde moitié est moins maîtrisée et laisse trop d’importance à un leitmotiv déjà vu, menant à un finale qui tombe à plat. C’est donc à voir, mais on aimerait surtout que les scénaristes se reprennent et remettent un peu l’accent sur le principal intérêt de la série, l’art de revisiter l’Histoire.