Dead like me
|de Bryan Fuller, puis John Masius et Stephen Godchaux, 2003–2004, ****
Que se passe-t-il après la mort ? C’est la question récurrente de Dead like me, petite série lancée deux ans après la morbido-fun Six pieds sous terre et qui ne connut pas le même succès. Ici, la vie post-mortem suit Georgia, adolescente blasée et cynique qui vient de larguer la fac, meurt ridiculement et se retrouve faucheuse : tous les jours, elle reçoit le nom, l’heure et le lieu de la mort de quelqu’un, dont elle doit extraire l’âme pour l’accompagner jusqu’aux lumières. Le travail n’est pas payé et, bien que morte, elle a toujours un corps à entretenir : elle doit donc se trouver un logement, un taf, tout ça, et plus ou moins vivre la vie d’une vivante, se fondre dans la masse, tout en faisant son autre boulot avec ses collègues faucheurs. À travers les histoires de ceux-ci, particulièrement développées dans la seconde saison, ce sont les inévitables sujets comme « que ferais-je si c’était mon dernier jour ? » et « quels regrets vais-je emporter avec moi ? » qui imprègnent la série ; on trouve également quelques questions plus spécifiques abordées ponctuellement, comme les dernières pensées et le côté parfois burlesque de la mort.
Mais Dead like me ne se contente pas de traiter la mort du côté des faucheurs (et, brièvement, des gens qui meurent). Elle s’intéresse beaucoup aux vivants : la famille de Georgia, avec ses réactions, ses accidents et ses retournements, est presque aussi importante que les morts. La sœur cadette, convaincue que l’aînée continue à veiller sur elle parce qu’elle trouve un chien devant sa porte, les parents, dont la perte d’une fille révèle les divergences masquées par la vie quotidienne… C’est une (longue) histoire de deuil et de divorce qui se joue de ce côté-là, avec ses explosions, ses épiphanies, ses tentatives de rapprochement et ses déchirements.
Le traitement de fond est plutôt comique, surtout dans les premiers épisodes : les faucheurs ont des spécialités et, plutôt que les vieillards et les malades, l’équipe de Georgia s’occupe des accidents, avec souvent une bonne dose d’humour noir — je vous laisse deviner comment meurt le vendeur d’un matériel baptisé « guillotine de cuisine »… Par la suite, les scénaristes creusent un peu plus les personnages et s’offrent de plus en plus de scènes sérieuses, voire tragiques, mais la série conserve jusqu’au bout une alternance assez réussie, ses personnages passant élégamment de la caricature à la sobriété grâce à un casting de bon niveau — évidemment, dans mon cas, ça m’a quand même surpris de reconnaître Saul Berenson à l’oreille, avant de me rendre compte qu’il était méconnaissable avec dix ans et une barbe en moins.
Interrompue après deux saisons, la série a un petit problème : elle se boucle sur une demi-fin qui laisse un certain nombre de choses en suspens — en particulier, elle relance deux heures avant la fin toute l’interrogation autour des gravelings, sans doute signe qu’à ce stade encore les scénaristes pensaient avoir une troisième saison sous le coude.
C’est dommage, parce qu’elle était entraînante, équilibrée entre burlesque et tragique, et franchement agréable.