Fast & furious 7
|navet pesant de James Wan, 2015
Vous connaissez le concept du film de trop ? Ça marche comme l’épisode de trop d’une bande dessinée, ou la saison de trop d’une série télé. Le film de trop, c’est celui où une franchise réussie dans son genre devient un symbole de pesanteur, celui où la virtuosité laisse subtilement la place à l’illisibilité, où la légèreté laisse la place à l’auto-complaisance, où la psychologie de comptoir laisse la place à la niaiserie achevée.
Ben pour Fast and furious, bien que certains disent que ce seuil ait été atteint dès le troisième opus, le septième est absolument et indéniablement le film de trop.
Je vous le résume : d’abord, y’a une scène où ça pète grave. Puis, y’a un dialogue de 22 secondes où Brian vit une vie de famille en disant qu’il regrette le bon vieux temps où les balles volaient. Puis, y’a une scène où ça pète sévère. Suivie d’un dialogue de 43 secondes où Dom rencontre Deckard, puis Personne (malheureusement, rien à voir avec le meilleur rôle de Terence Hill). Puis, y’a une scène ou ça pète moyen. Puis Dom demande à Letty si elle se souvient de quelque chose, et elle est toujours amnésique, alors il l’emmène au cimetière voir sa propre tombe, et en tant que spectateur vous vous dites « ah ouais, le scénariste il ose tout ». Après, tout le monde se rend compte que ça fait deux minutes que Michelle Rodriguez joue pas mieux que Vin Diesel, donc le directeur d’acteurs passe la main au monteur et au directeur des effets spéciaux : y’a une scène dans un tunnel qui pète brutal. Ensuite, un dialogue de deux bonnes minutes où Personne expose la mission à toute l’équipe, c’est super long mais heureusement y’a les deux blacks qui s’envoient des vannes à tout va façon teen-movie des années 90.
Après, y’a une scène où ça pète monumental, avec un C‑17 et cinq voitures dedans, mais c’est pas aussi beau que l’Antonov du précédent. Il y a plein de vannes entre blacks et de l’action, et Letty qui sauve Brian vu qu’elle avait servi à rien jusqu’ici (Michelle Rodriguez est grave sous-exploitée dans le film). Puis, y’a deux blacks qui se mesurent la bite balancent des vannes en voyant Ramsey sortir de la mer en bikini (si si, j’exagère même pas, ça se passe vraiment comme ça), puis Letty qui leur fout la honte parce qu’elle a pas les épaules aussi douces (Michelle Rodriguez est sûrement toujours aussi sous-exploitée ensuite, j’en sais rien, c’est le moment où je me suis dit que Nathalie Emmanuel1).
Après, y’a une scène qui pète super grave, avec deux ou trois immeubles selon qui compte mais une seule voiture, ni américaine ni japonaise, bizarre. Après, y’a sûrement un dialogue à la noix et une scène qui pète méchant, je sais pas, j’ai fait un somme (j’ai rêvé de Ronda Rousey). Après, y’a un bruit qui m’a réveillé, je crois que c’était dans une raffinerie dans le désert, ça pétait pas mal mais c’était un peu mou quand Personne a été laissé pour mort au bord de la route. Après, y’a un dialogue niais au téléphone entre Brian et Mia (si vous veniez pour Jordana, pas de bol, on la voit pas vingt secondes en tout, mais c’est pas grave puisque Nathalie Emmanuel), heureusement sauvé par une suite qui pète méga-grave méchant de la mort, avec un hélicoptère furtif, un drone à décollage et atterrissage vertical (inutile puisque largué d’un hélico, mais toujours classe), une hackeuse qui doit cracker son propre ordinateur à moins de deux milles (y’a pas Internet à Los Angeles, faut qu’il soit à portée radio de son nouvel ordinateur), un combat de rue entre Dom et Deckard, Letty et Ramsey dans la même voiture (c’est le moment où mes rétines se sont dit que au fond, pourquoi choisir ?), deux blacks qui se jettent des vannes, et Brian qui va chercher une antenne. Non, cherchez pas à comprendre, c’est la scène qui pète archi-monumental-super-géant, c’est pas censé avoir de scénario.
Et puis, y’a l’épilogue, où Dom et Brian (joué par un frère de Paul Walker) prennent la route ensemble pis s’éloignent au croisement, avec des flashs-back où tout ce qu’on se dit, c’est que Jordana était plus mignonne avec quelques rondeurs. C’est accompagné d’un interminable monologue écrit pour faire croire que Vin Diesel parle de Paul Walker pendant que Dom parle de Brian, enfin vous voyez, le genre de mise en abîme bien foireuse qui pourrait vous pourrir le film — du moins, si vous aviez l’impression d’avoir vu un film qu’on puisse vous pourrir.
Le résultat, vous l’aurez compris, a une qualité. C’est le premier film où, vraiment, Nathalie Emmanuel. Malheureusement, l’œuvre ne repose pas entièrement sur ses yeux et son sourire (qui sont même largement sous-exploités), ce qui fait qu’on ne peut s’empêcher de noter en passant que tous les acteurs sont à chier, même celle qui s’en sortait si bien dans Game of thrones et Misfits ; que le scénariste a dû se bourrer la gueule avec le psychologue de l’équipe et qu’ils ont écrit les dialogues à partir de leurs régurgitations à deux heures du matin ; que le réalisateur n’ayant aucune idée de ce qu’il foutait là, il a laissé le chef opérateur et le directeur des effets spéciaux se charger du montage, ce qui explique que les scènes d’actions soient coupées toutes les trois images (et à vingt-quatre images par seconde, ça devient difficile à suivre).
Y a‑t-il donc une chose à sauver dans ce fatras ?
Une seconde, on se prend à espérer que le trio Luke — Sam — Elena va donner quelque chose. Et pis, ça débouche sur un plâtre pété à la force du biceps (Luke est le seul mec qui peut rester plâtré sans que le muscle fonde), un dialogue de une seconde et demie genre « Papa va au travail, bonne journée ma chérie », et une scène qui pète violent avec Dwayne Johnson et un canon de 20 mm volé sur un drone.
Donc, si on fait le bilan, ben… Non, y’a rien à sauver. C’est le film de trop, je vous dis, celui où tout ce qui était con et amusant dans les précédents opus devient débile et lourdingue.