Le monde de Charlie
|bijou ultra-sensible de Stephen Chbosky, 2012
Quand on est en seconde et qu’on sait lire, on est déjà un peu étrange. Si en plus on est réservé, honnête, timide et discret, et qu’on n’a rien à foutre du foot et des pom-pom girls, on est très mal barré côté intégration.
À moins, bien sûr, qu’on arrive à trouver les dingues — vous savez, les potes de Kerouac, ceux qui valorisent la culture, l’amour et la sincérité et se fichent de vos fringues ou de votre réserve. Alors, on a une chance de devenir amis avec des gothiques, des littéraires, des gens qui rient fort, des traînées, des pédés, des fantasques, des tarés, des bosseurs, des drogués, bref, tout un tas gens aussi bizarres qu’attachants. Et par finir par trouver des avantages à être un paria — le titre original, The perks of being a wallflower, que les distributeurs français n’ont même pas essayé de traduire…
Je vais faire le fainéant : je vais même pas essayer de présenter ce film objectivement. Je peux pas. Patrick, je l’ai connu en seconde. M. Anderson, c’était mon prof de français de première. Mary-Elizabeth, c’est plein de gens que j’ai fréquentés au lycée et à la fac. Brad, et bien, c’est un mauvais souvenir de maîtrise. Les footballeurs, ils jouaient plutôt au baby-foot mais c’étaient quand même les mêmes. Sam, je l’ai rencontrée un peu il y a douze ans, un peu l’an passé, et personne ne peut dire que je ne suis pas Charlie — y’a même une scène, je crois que quelqu’un m’a filmé et l’a juste fait rejouer aux acteurs, tellement elle est fidèle à ma vie.
Donc, Le monde de Charlie fait partie des films avec lesquels je peux pas être objectif, en tout cas pas avant de l’avoir digéré, revu, re-digéré. Bien sûr, je peux dire que le montage est agréablement rythmé, que Andrew Dunn a fait quelques plans magnifiques (dont une transition d’une lumière à l’autre absolument sublime), que les acteurs font globalement un très bon boulot et que même Emma Watson s’en sort bien — y’a juste deux ou trois sursauts de sourcils exagérés dans le film, mais dans les derniers Harry Potter c’étaient deux ou trois par minute donc on va pas pinailler. Mais je peux pas vraiment rentrer dans les qualités du film lui-même, tellement il me parle intimement, à un niveau profondément sentimental et absolument pas cinématographique.
Ceci dit, de mon point de vue, c’est un chef-d’œuvre, un de ces bijoux qui vous remettent en perspective toute votre vie et vous retournent comme une crêpe. Par contre, je sais pas s’il est prudent de vous le conseiller : Le monde de Charlie vous en dira probablement plus sur moi que je ne voudrai jamais le faire.