Les voyageurs du temps
|de Brad Wright, depuis 2016, ****
Marcy se fait agresser devant la bibliothèque où elle fait le ménage. Elle se laisse passer à tabac sans comprendre ce qui lui arrive. Soudain, elle se redresse, contre-attaque et met les agresseurs en fuite.
Carly est une mère de famille effacée. Son mari rentre bourré, la cogne, elle s’ouvre le front sur le bar. Il va continuer à frapper quand elle se retourne, lui rend la monnaie de ses coups et le fout à la porte en lui hurlant de ne pas revenir sans pension alimentaire.
Trevor est en train de perdre un match d’arts martiaux mixtes. Trop con pour abandonner, il s’acharne, se fait de plus en plus démolir, puis décide brutalement de jeter l’éponge et sort de la cage sans un regard en arrière.
Philip prépare deux doses d’héroïne et en file une à son meilleur ami. Pendant que celui-ci se pique, il se ravise, jette sa seringue et sort de la maison.
Grant court derrière un suspect dans un immeuble en chantier, en pleine nuit. Soudain, il s’arrête, juste à temps pour éviter de basculer dans un trou d’une dizaine d’étages.
Lorsqu’ils rentrent chez eux, ils sont tous les cinq un peu déphasés : il savent grosso modo qui ils sont, ou croient le savoir, mais ils n’ont aucune idée de leurs petites manies quotidiennes, ils n’aiment plus le café qu’on leur fait exactement comme ils le préfèrent, ils sont bons au lit, ils ne supportent plus leur père ou leur mari, ils savent se battre… Et Marcy, débile légère à peine capable d’articuler, a maintenant des connaissances médicales avancées au point de se poser elle-même un stimulateur du nerf vague bricolé dans sa salle de bains.
L’explication est simple : quelques secondes avant leurs morts, leurs consciences ont été remplacées par celles d’hommes du futur, envoyés pour éviter l’apocalypse. Voici donc la vraie théorie du Grand Remplacement : nos arrière(-arrière-arrière…?)-petits-enfants s’expédient au début du 21è siècle pour tenter de modifier notre futur et de sauver leur présent.
À partir de là, la série ressemble assez à ce qu’on peut faire de plus traditionnel dans le genre. D’une part, on découvre leurs missions, les nouvelles arrivées de voyageurs, la façon dont ils infiltrent une société privée travaillant sur l’antimatière dans l’espoir d’empêcher une catastrophe à venir. D’autre part, on suit leur adaptation au 21è siècle, à la vie quotidienne dans laquelle ils sont censés se fondre discrètement, aux bouleversements imprévus que leur « nouveau » caractère va avoir sur leur entourage.
Le pot-au-feu comique/romance/thriller/science-fiction/polar n’est donc pas fondamentalement original, mais les ingrédients sont placés dans le bon ordre et la cuisson est réussie. Alors certes, ça n’est pas de la grande cuisine ; certes, les questions temporelles sont bien moins travaillées que dans la première partie de Timeless et le suspense est moins haletant que chez les Refugiados ; certes, on évite soigneusement toute question politique, qu’il s’agisse du système américain des « contractors » de l’armée ou des questions environnementales actuelles.
Mais une fois de temps en temps, on est bien content de trouver un bon plat tout bête, bien préparé et qui tient au corps.