San Andreas
|gros nanar qui tache de Brad Peyton, 2015
Laissez-moi vous parler de la première scène : une voiture coincée au milieu d’une fissure. La fissure est trop étroite pour que l’hélico puisse descendre à hauteur de treuil, donc le pilote fait une espèce de descente en biais tordue pour se stabiliser là où la fissure s’élargit. (Là, les pilotes de Dragon hésitent entre pouffer poliment et lever les yeux au ciel.) Ensuite, le secouriste descend au bout du treuil. La voiture est instable, alors il passe en-dessous (y’a pas d’anneau de remorquage à l’avant des voitures américaines, ou il est trop con pour y penser) pour la sécuriser en l’attachant au treuil de l’hélico¹. (Là, les pilotes de Dragon hésitent entre rester bouche bée et se pincer pour y croire.) Comme Darwin hait les seconds rôles, c’est pile le moment où la voiture glisse et le secouriste se retrouve coincé dessous comme un con ; donc, fort logiquement, le commandant de bord passe la main à son copilote, se débrêle, passe à l’arrière, jette une corde dans le vide et descend en rappel jusqu’à la voiture. (C’est le moment où les pilotes de Dragon hésitent entre se cogner la tête contre un mur et s’esclaffer bruyamment.) Évidemment, vu que le pilote, c’est The Rock himself, il débloque le secouriste, remonte jusqu’à la conductrice, et sauve les deux. En rentrant (non, on ne saura jamais comment ils sont sortis de la fissure, vu que l’acrobatie qu’ils ont dû faire à la descente ne peut pas fonctionner à la montée, mais on s’en fout), il rigole quand le mécano pleure le treuil tordu de son hélicoptère. (Là, c’est le moment où les pilotes de Dragon hésitent entre éclater de rire et éclater le scénariste.)
Alors voilà, vous le savez : les nanars, c’est ma grande passion. Je ne recule jamais devant un film catastrophe bien con et bien prévisible. Je suis prêt à faire semblant de pas voir certaines faiblesses récurrentes pour passer un bon moment à regarder des gens crier, courir, mourir, se faire sauver par le héros, tout ça.
Mais y’a des fois, c’est trop. Et là, je suis désolé, mais c’est le cas : San Andreas ne se contente pas d’être une série B un peu bourrine, il nous prend ouvertement pour des cons, avec des ressorts dramatiques qu’un enfant de quatre ans (et encore, pas trop éveillé) saurait démonter. Franchement, c’est quoi, cet immeuble qui a l’air de viser les voitures qui roulent dans son sous-sol ? Ce pilote censé être l’as des as qui sait même pas se poser en autorotation sans bousiller la moitié d’un bloc ? Ce tsunami qui arrive du large alors que les épicentres sont sous les terres émergées ? Ce building qui attend gentiment que Papa soit là pour s’apercevoir qu’il a des fondations pourries et commencer à s’enfoncer ? Cette respiration artificielle qui ressuscite un cadavre de cinq bonnes minutes ?
Et puis bon, j’ai pas croisé des masses de secouristes, mais imaginer qu’ils puissent voler un hélicoptère et déserter parce que leur ex est dans un immeuble du centre-ville (donc l’endroit où les pompiers compétents pour les problèmes d’immeubles écroulés vont arriver le plus vite), c’est purement insultant.
Bien sûr, les scènes spectaculaires sont spectaculaires. Bien sûr, le montage est irréprochablement efficace. Mais le scénariste ne fait plus dans le gentiment délirant habituel dans ce genre de film : il fait dans le débile profond, et semble ne pas se rendre compte qu’il insulte l’honneur professionnel des gens qu’il utilise comme héros.
¹ Bien sûr, il ne pense pas une seconde que d’une part, un Bell 412 déjà chargé de quatre personnes dont un Dwayne Johnson a à peu près aucune chance de supporter la chute d’une voiture ni que d’autre part, en accrochant la voiture au treuil latéral y’a aucun moyen dans l’univers pour que le choc l’envoie pas s’éclater le rotor contre la paroi. En fait de sécuriser la voiture, il s’assure surtout qu’il y ait bien cinq morts si effectivement elle glisse.