Ça
|d’Andy Muschietti, 2017, *
Granfrère et Tifrère font un bateau en papier. Tifrère descend à la cave chercher de la cire pour étanchéifier le papier. Musique ! Il a peur, il fait sombre. Il descend. En face, les étagères poussiéreuses. Il a peur. Il est seul. Musique, encore. Il regarde le bordel ambiant. Il a peur. Scie musicale. Là, deux yeux. Cymbales. Il a peur. Il essaie de s’éclairer. Il trouve l’interrupteur. Scie musicale, il allume…
Voilà, ça, c’est la première scène. Et déjà, vous avez compris : vous voilà face au film d’épouvante le plus classique qui se puisse imaginer. Avec trois tonnes de musique pour tenter de faire prendre une tension inexistante, des ressorts de la finesse d’une suspension de char, et un enfant qui, forcément, va caner avec son bateau en papier, c’est écrit, mais bien sûr pas dans la cave parce que ça serait trop évident, mais du coup c’est la suite qui devient prévisible.
Je vais pas cracher dans la soupe : il y a de très bonnes choses dans Ça. La photo est soignée, le casting est globalement bon (avec un petit côté Les goonies dans la direction d’acteurs tout de même), l’effort pour créer de vraies relations entre les personnages est bienvenu.
Et puis, il y a l’effet madeleine : Ça a le bon goût de l’enchaînement MacGyver / ALF sur Antenne 2 en rentrant de l’école, il rappelle les jeans tailles haute et les polos colorés, les vélos à trois vitesses retapés à partir de pièces du grand-père, les premiers émois et les dernières naïvetés.
Et surtout, il y a ces intrigues secondaires, avec de vrais méchants. Bien plus forts que le truc qui donne son titre au film : ces petits cons sadiques et brutaux, ces terreurs de cour d’école, ces ados de quinze ans qui passent leur vie à pourrir celle de ceux de douze ans, ces tyrans qu’il faut amadouer, éviter ou combattre pour espérer survivre jusqu’à la troisième. Le vrai bon sujet du film, c’est comment une bande de losers finit par se constituer pour réunir les bons élèves, les geeks, la traînée, le garçon de courses, le fils de Juifs, pour affronter le vrai danger de la vie : la bande du gros dur à mulet. Il y a un autre bon méchant, un père isolé, qui porte sur sa fille un regard trouble, malsain et profondément dérangeant : c’est la partie du film qui met vraiment mal à l’aise et qui progresse implacablement vers un finale forcément dramatique.
Mais toutes ces bonnes choses ne peuvent venir à bout d’un problème : les morceaux intéressants, c’est une petite heure du film. Reste une heure et demie de caves mal éclairées, de maisons qui grincent, de rebondissements faciles, de musique envahissante désaccordée censée souligner la tension du moment (note à tous les cinéastes : revoyez Peur sur la ville une bonne fois pour toutes et arrêtez d’abuser de cette pseudo-recette)… Le film repose sur l’alternance systématique et, du coup, hautement prévisible, de « ouh là là que va-t-il se passer et ben rien ah ah je vous ai bien eus » et de « ouh là là que va-t-il se passer et ben pile ce que vous attendiez voilà », tout ça pour un épouvantard vachement moins flippant que celui de Neville.
Évidemment, c’est à cent lieues d’être aussi complexe que Stranger things, vu que ça fait deux (longues) heures au lieu de huit épisodes, mais plus inquiétant : c’est à cent lieues d’être aussi effrayant que Stranger things, alors que c’est la seule promesse que Ça fait.
Le résultat est prévisible, languissant, partiellement sauvé par les intrigues secondaires mais franchement pas convaincant : comme diraient les Belges d’Astérix, Ça est chiant.