L’ascension
|de Ludovic Bernard, 2016, ****
« Pour toi, je ferais n’importe quoi. J’escaladerais l’Everest s’il le fallait.
— Chiche. »
Voilà comment un jeune un peu niais et très amoureux se retrouve à grimper les douze étages de son immeuble par les escaliers, sac à dos sur les épaules, pour s’entraîner en vue d’un défi débile : rejoindre le sommet de l’Everest, une petite rando tranquille… Enfin, s’agit juste de marcher et de grimper, quoi… Ah ouais, après deux jours de marche entre Lukla et Namche Bazaar, on trouve déjà ça long, en fait… Et quoi, on n’est même pas à 4000 m ?!
On va pas se mentir : c’est de la comédie française assez ordinaire, avec ses ressorts faciles, ses vannes tranquilles, ses rebondissements téléphonés et son happy end resucé. Il y a même un détail qui fout tout en l’air : quand Nadia avoue que « en fait, je le kiffe depuis le collège ». Reprenons : l’idée, c’est qu’il faut aller au bout de ses principes et de ses promesses, montrer son engagement, mériter la confiance. Et là, au bout d’une heure de ce traitement, voilà l’autre qui vient nous dire qu’en fait ça change rien, ça sert à rien, elle l’aimait déjà avant de toute façon. D’une histoire d’émancipation et de croissance personnelle, on passe à une fable sur la vacuité des efforts et l’immuabilité des sentiments. Vous me direz peut-être qu’elle n’aurait jamais avoué ça s’il n’avait pas fait ce geste fou, mais en vérité, au bout du compte, toute cette agitation est vaine et ne change rien. Au fond, on ne peut pas faire plus déprimant.
Bref.
Il n’empêche qu’à côté de ces facilités et de ce message foireux, L’ascension est un film étonnamment sympa. Il n’est au fond pas mal fait et certains détails sont même très bien vus — en tant que môme de berger, la réaction de Samy croisant une vache m’a rappelé bien des touristes débarquant dans notre alpage, de même que la façon dont le guide se paie sa fiole à l’occasion. Mine de rien, le sherpa habitué à être traité comme une bête de somme et qui du coup aide le seul qui ne le prend pas de haut, c’est agréable aussi.
Et puis, même si la photo n’a rien d’extraordinaire, L’ascension a été tourné en montagne, et ça se voit. Les équipes ont marché, grimpé, cavalé. Les portions de Lukla au camp de base ont été tournées sur place, ce qui donne un aspect troublant à qui a dévoré quelques récits sur le sujet : on a l’habitude de voir Namche avec la qualité médiocre d’un documentaire télé, le voilà en pleine dimension au cinéma. Ça amplifie aussi le réalisme de certaines séquences : quand les passagers s’inquiètent en montant dans un Twin Otter, puis gèrent leur flip comme ils peuvent en voyant la gueule de la piste de Lukla, ben… les acteurs sont vraiment dans un Twin Otter en finale à Lukla. Ça aide.
Bien sûr, pour les parties à plus de 6000 m, ce sont les angles de caméra qui ont été utilisés pour faire croire à l’altitude alors qu’on est, en vérité, dans le massif du Mont-Blanc ; il y a d’ailleurs quelques plans où l’on voit la Meije et la barre des Écrins à l’horizon, ce qui pourra faire sourire les alpestres. Mais il n’empêche que par certains aspects, L’ascension imprègne plus que Everest, malgré les qualités dramatiques évidemment supérieures de ce dernier. Le secret, c’est qu’il n’essaie de pas de forcer son talent mais nous emmène vraiment sur place.
Le résultat est simple, souvent facile, mais honnête et sympathique. Sans doute pas un grand film, mais un bon moment de passer deux heures agréables, en souriant régulièrement et parfois en allant légèrement au delà de la simple comédie.